Revue de presse

"Les Nouveaux Inquisiteurs : voyage au Wokistan" (A. Shalmani, L’Express, 21 sept. 23)

(A. Shalmani, L’Express, 21 sept. 23). Abnousse Shalmani, écrivain et journaliste 26 septembre 2023

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Nora Bussigny, Les Nouveaux Inquisiteurs, Albin Michel, 13 septembre 2023, 240 p., 19,90 €.

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Lire ""Les Nouveaux Inquisiteurs" : voyage au Wokistan, par Abnousse Shalmani".

"A la brûlante question de savoir ce qu’est le wokisme, à la délicate interrogation : "les ’woke’ sont-ils un épouvantail fabriqué par l’extrême droite ?", aux tourments soulevés dans les rédactions entre journalistes qui, perdus voire craintifs, s’interrogent s’il faut ou non user du terme "woke", si c’est faire le jeu de l’extrême droite ou s’il faut lui préférer "progressisme radical", au refus des "woke" de faire l’aveu de leur wokisme, face à cette nébuleuse qui voit fleurir essais explicatifs ou laudatifs, pamphlets dénonciateurs ou agressifs, entretiens faux culs et paranoïa contre-productifs, le livre-enquête de Nora Bussigny, Les Nouveaux Inquisiteurs, vient apporter une réponse claire, sérieuse et sereine.

Jusqu’à aujourd’hui, les journalistes qui s’infiltraient dans des groupes radicaux privilégiaient l’extrême droite bas du front, les islamistes voire les djihadistes, les cartels de drogue ou encore l’extrême gauche antifa-black-bloc-anarchiste. Nul ne s’était encore aventuré dans le monde associatif, militant, universitaire qui était, il y a encore quelques années, un univers mignon tout plein où on se faisait les dents humanistes en prévision d’un avenir plus égoïste, tout en cassant trois vitrines lors des manifestations qui réclamaient tout et n’importe quoi tant que c’était contre l’autorité et le grand méchant Etat nourricier. C’était le bon vieux temps de la révolution ou la mort avant de partir en week-end dans la maison secondaire des parents qui étaient déjà passés par là – j’exagère bien sûr : les militants purs et durs ambiance maoïste-foutons-le-feu-au-bourgeois-capitaliste, repends-toi camarade et fais ton auto-procès étaient aussi pléthores mais certainement pas aussi généralisés.

Nora Bussigny nous entraîne, sous perruque rose, maquillage paillette, faux piercing et langage inclusif. Rassure-toi, cher lecteur, un lexique est disponible pour décrypter des termes aussi incongrus qu’inédits. Des exemples ? "Touxtes. Ici le mot tous et toutes n’est plus écrit ’toustes’ pour être encore plus inclusif et plus seulement la contraction ’binaire’ du masculin et du féminin." Ou encore "Xénogenre. Qui ne se reconnaissent pas dans le genre humain, elles peuvent s’identifier à des elfes, des renards ou même des flaques de couleur".

La violence est ici du côté du Bien

On passe (sans rire) d’une conférence 2.0 avec les hijabeuses victimaires en délire de persécution, à des inscriptions sur des groupes numériques qui réclament pattes blanches et discours rigidement intersectionnels, sans oublier une formation à la sécurité de la Pride radicale, une plongée dans l’université Paris VIII Saint-Denis ou des manifestations féministes régionales… Rien ne nous est épargné de la logorrhée militante excluante. Car c’est ce qui surprend, choque, dégoûte le plus dans ce travail méticuleux : la force du rejet de l’autre et de l’asservissement à des dogmes toxiques. Dans cet univers où les lâchetés – de la direction de l’université qui laisse proliférer des cours exclusivement militants qui ne mèneront qu’au chômage et au ressentiment à la soumission des mairies qui acceptent dégradation morale et fake news au nom de l’illusoire justice pour "touxtes" – personne ne se bat "pour", mais tous "contre" (les terf, les cis, les blancs, les métisses, la mixité, la laïcité, l’humour, la liberté, etc.). La violence est ici du côté du Bien.

La force de l’enquête de Nora Bussigny vient de sa volonté de ne rien nous cacher de ses doutes comme de sa vulnérabilité et de son optimisme. Ses séances truculentes avec le psychanalyste Ruben Rabinovitch à ses ébranlements de franco-marocaine, sa crainte d’être réduite à n’être qu’une manipulatrice et sa peur réelle face à des discours et des postures fascistes, en un mot son honnêteté intellectuelle (car sensible), rendent la lecture de son livre aussi passionnante qu’instructive. Oui, le Wokistan existe et son emprise est dangereuse pour la démocratie comme pour la santé mentale de ses soutiens. Mais parce qu’il est un totalitarisme, ses enfants ne peuvent que s’entredévorer. [...]"


Voir aussi dans la Revue de presse "Infiltrée pendant un an chez les woke" (Le Point, 7 sept. 23) dans la rubrique "Wokisme" (note de la rédaction CLR).


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