7 août 2012
""Vous le connaissez, ce rêve ? Vous vous retrouvez nue en pleine rue. Les gens vous regardent. Vous avez honte, sans vraiment comprendre ce qui ne va pas." Ce malaise, Sofie Peeters ne l’a que trop ressenti alors qu’elle parcourait, bien éveillée, les rues d’Annessens, le quartier populaire de Bruxelles où elle s’est installée depuis deux ans.
La jeune Belge, originaire de la petite ville de Louvain, a rapidement été confrontée aux réflexions sexistes et indécentes des hommes croisés dans la rue. Choquée, cette étudiante en cinéma décide alors de filmer toutes ces démonstrations de machisme ordinaire pour son projet de fin d’études, un documentaire intitulé Femme de la rue.
Mini-caméra accrochée à l’encolure, micro dans le sac, la jeune femme brune arpente les rues de son quartier dans une robe printanière. A la hauteur des terrasses de café, les hommes qui s’agglutinent en troupeau lancent les premières réflexions : "jolies fesses", "bonne à baiser".
Le claquement de ses bottes camel sur le bitume est soudain recouvert par le bruit d’un orgasme féminin simulé par une voix d’homme, perchée dans les aigus comme un adolescent en pleine mue. Des inconnus lui proposent un verre, un repas, un rendez-vous.
"L’hôtel, le lit, tu connais : direct." Gênée, elle repousse les avances, tente d’esquiver et d’accélérer le pas. "Vous ne comprenez pas que je ne suis pas intéressée ?" La réplique est crue : "chienne", "salope", "pute".
Le documentaire, diffusé jeudi 26 juillet sur les deux chaînes de télévision nationales, a provoqué un vaste débat en Belgique. Sofie Peeters affirme avoir voulu "lever le tabou" sur un phénomène trop souvent tu. Car face à ces invectives, la première réaction est souvent la remise en question. [...]
La plupart des hommes captés par la caméra cachée de Sofie Peeters sont d’origine nord-africaine. Il n’en fallait pas plus pour que se déclenche une polémique sur les véritables intentions de la jeune femme, rapidement soutenue par de nombreux blogs d’extrême droite. Des accusations dont elle s’est vivement défendue à la télévision flamande VRT.
"C’était l’une de mes grandes craintes, comment traiter de cette thématique sans tourner un film raciste ? (...) L’attitude d’une personne n’est pas représentative de toute la communauté. Ce n’est pas une question d’origine ethnique mais sociale."
Invité par la RTBF pour réagir au documentaire, l’échevin de la Ville de Bruxelles, Philippe Close, a annoncé l’entrée en vigueur au 1er septembre d’une loi pour sanctionner ces insultes par des amendes administratives. [...]
Le documentaire, très médiatisé, n’a pas fait réagir que le petit royaume d’Albert II. Sur Twitter, un commentaire a fait sortir les Françaises de leur silence. "Je n’ai vu aucune fille se plaindre d’avoir eu à su bir le même traitement en France, ce qui me laisse à croire que ça demeure un cas isolé", écrivait, mardi 31 juillet, Mathieu Géniole, chroniqueur associé sur le site participatif du Nouvel Observateur.
En réponse, des abonnées lancent le mouvement #harcelementderue, un mot-clé cathartique qui recueille en quelques jours des centaines de témoignages. [...]
Un débat d’autant plus passionné que le Parlement a adopté, mardi 31 juillet, le nouveau texte de loi sanctionnant le harcèlement sexuel. Certains ont interpellé, via son compte Twitter, la ministre du droit des femmes, Najat Vallaud-Belkacem. Pas de réponse de l’intéressée, mais, du côté du ministère, on se réjouit que cette vidéo ait permis "une libération de la parole ".
Si la question du harcèlement de rue n’est pas abordée par le nouveau texte, "la nouvelle législation couvre un spectre très large de comportements répréhensibles, et les victimes doivent se saisir de tous les outils juridiques. Le code pénal prévoit aussi l’injure", rappelle le cabinet du ministre."
Lire "Les femmes peuvent-elles marcher en paix dans la rue ?".
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