Revue de presse

"Les "dé-jeûneurs", ces musulmans qui renoncent au ramadan" (lemonde.fr , 9 juil. 13)

11 juillet 2013

"Plus jeune, comme ses soeurs, elle faisait le ramadan. Originaire de Kabylie, S., 35 ans, qui souhaite rester anonyme, est cadre dans l’informatique. Cette année, elle a décidé de ne pas jeûner, d’abord par nécessité : "C’est très difficile physiquement, je n’aurais pas tenu, surtout avec mon travail."

Comme elle, environ un tiers [1] des 3,5 millions de musulmans de France n’observeront pas le jeûne d’un mois qui débute mardi 9 ou mercredi 10 juillet et durant lequel les croyants s’abstiennent de s’alimenter, de boire et d’avoir des relations sexuelles du lever au coucher du soleil.

L’islam prévoit des dérogations pour les enfants, les femmes enceintes, les vieillards, les malades ou encore les voyageurs. Mais une partie des fidèles décident de ne pas suivre ce rite par conviction – ils sont parfois appelés les "dé-jeûneurs". Ce choix n’est pas toujours facile à assumer, notamment parce que la pratique du ramadan connaît un vrai regain depuis quelques années. En 2011, 71 % des musulmans déclaraient jeûner pendant tout le mois du ramadan, contre 60 % en 1989.

Plus jeune, S. faisait le ramadan. Pas entièrement, mais "plus pour le fun", ajoute-t-elle. C’est durant son adolescence qu’elle a cessé de le pratiquer. A l’école, elle se sentait parfois gênée, même si elle fréquentait en majorité des amies non musulmanes. "On ne le criait pas sur tous les toits", se souvient-elle. Dans sa famille, seul son père, qui "fume et boit", ne fait pas le ramadan. "Lorsqu’il vivait en Kabylie, c’était très ouvert, pas comme maintenant où tout le monde fait le ramadan, note-t-elle. Il pratique la religion musulmane à sa manière." Un modèle paternel qui l’a aidée à assumer son choix. "A Paris, où j’ai vécu pendant dix ans, c’était plus compliqué d’être différente, car tout le monde fait le ramadan", souligne-t-elle. Aujourd’hui, la jeune femme vit à Poitiers, dans un environnement où elle se sent plus libre d’"affirmer son refus". [...]

Pour Jérémie, musulman converti depuis cinq ans, la démarche est principalement intellectuelle. "Le ramadan ne fait pas sens pour moi, je ne comprends pas devoir me retenir de manger pour ma religion", souligne ce professeur de siences économiques âgé de 25 ans.

Dans les pays à dominante musulmane où il a séjourné, ses longs voyages ne lui permettaient "ni techniquement, ni physiquement" de le faire. Après avoir fréquenté une mosquée populaire de Lille plus traditionnelle dans laquelle il n’était pas à l’aise, Jérémie se rend à présent dans une mosquée rattachée au mouvement des Musulmans progressistes de France (MPF). Un lieu où règne "une plus grande tolérance", qui lui a donné l’envie de prier à nouveau et d’envisager de faire le ramadan, l’année prochaine, pour la première fois.

Haoues Seniguer, politologue et spécialiste de l’islam, estime que "ce choix est souvent mal vécu de la part des musulmans "dé-jeûneurs" qui portent le poids de la tradition." Pour le chercheur, la pratique du ramadan correspond à un conservatisme social très fort. "Les femmes enceintes ou réglées ne sont pas forcées de le faire. Malgré tout, certaines se cachent pour manger", souligne-t-il.

Pour le politologue, la pratique de la religion musulmane s’est intensifiée au fil des années. C’est particulièrement le cas chez les musulmans des jeunes générations, qui sont nés en France et qui pratiquent le ramadan plus fortement qu’avant. Les 18-24 ans représentent d’ailleurs la catégorie la plus assidue. [...]"

Lire "Les "dé-jeûneurs", ces musulmans qui renoncent au ramadan".

[1Selon une enquête Ifop pour le journal "La Croix", parue en juillet 2011.


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