7 mai 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"« Terre aînée de la foi », l’Égypte a été un lieu d’implantation du christianisme dès le Ier siècle. Elle a donné à l’Église de grands saints et a vu naître les premiers monastères. Le christianisme copte a ainsi conservé jusqu’à aujourd’hui des traces d’un passé antique, des premiers chrétiens à l’Égypte pharaonique.
Marguerite de Lasa (au Caire)
Lire "Les coptes, des chrétiens héritiers de l’Antiquité égyptienne".
[...] Attachée à la dévotion de la Vierge, aux miracles, aux martyrs et aux pèlerinages sur les pas de la Sainte Famille, la foi des coptes frappe par la ferveur de sa piété populaire. Surtout, les traces d’une culture très ancienne sont omniprésentes dans leur foi et leur patrimoine culturel.
Selon la tradition, le christianisme s’est implanté dans le pays dès le Ier siècle, sous l’impulsion de saint Marc. Le pays a vu naître les premiers monastères au monde, et c’est à l’école théologique d’Alexandrie que se formèrent au IIIe siècle des Pères de l’Église comme Clément d’Alexandrie, Origène et Athanase.
Séparés de l’Église romaine depuis le concile de Chalcédoine en 451, vivant sous domination byzantine puis arabe, les coptes sont aujourd’hui en très grande majorité orthodoxes et constituent la communauté de chrétiens la plus importante du Proche-Orient, avec 10 % de la population locale. On décèle dans leur foi et leur patrimoine les traces d’un passé antique, qui remonte aussi bien aux premiers chrétiens qu’à l’Égypte des pharaons.
« Trésors mieux préservés par les Églises orientales »
« Un des avantages que l’on gagne à connaître les chrétiens d’Orient et, singulièrement, les coptes, est de relativiser certains traits de notre tradition “catholique romaine” et d’apprécier quelques trésors mieux préservés par les Églises orientales », estime Christian Cannuyer, égyptologue et coptologue.
Lors de leur baptême, les enfants coptes sont par exemple coiffés de la même mitre que celle des prêtres, appelée taylassan, « une manière d’illustrer le sacerdoce commun des baptisés », explique l’historien. Aussi, l’usage d’élever les mains pendant le Notre Père, retrouvé dans l’Église romaine avec la réforme liturgique qui a suivi Vatican II, n’a jamais été abandonné par les coptes, souvent représentés priant ainsi.
Mais les liens les plus étonnants viennent sans doute de l’Égypte ancienne. La langue copte, d’abord, est directement héritée de l’Égypte pharaonique. Parlée par les coptes jusqu’au XIIIe siècle, elle devient petit à petit une langue morte et n’est plus utilisée aujourd’hui que dans les chants de la liturgie, longues psalmodies accompagnées de cymbales ou de triangles. Cas extrêmement rare, les coptes ont aussi repris dans leur iconographie un symbole hérité de l’Égypte pharaonique. La croix ankh, dont la barre supérieure est remplacée par un ovale, symbole de vie dans l’Égypte ancienne, se retrouve aussi dans l’art copte, comme croix chrétienne.
« Une intuition préchrétienne dans la vision égyptienne de l’homme »
Mais plus encore, des résonances troublantes de la foi chrétienne apparaissent dans l’Égypte pharaonique, semblant préfigurer étonnamment le christianisme. « On constate dans la vision égyptienne de l’homme une intuition préchrétienne qui explique pourquoi les Égyptiens sont très vite devenus chrétiens », développe Christian Cannuyer. Au Ve siècle avant Jésus-Christ, Hérodote décrivait déjà les Égyptiens comme « beaucoup plus religieux que le reste des hommes ».
Le premier exemple frappant dans la mythologie égyptienne est celui d’Osiris. Ce dieu, roi bon, est assassiné de jalousie par son frère Seth, dieu de la confusion et du désordre, qui le découpe en 14 morceaux qu’il disperse dans toute l’Égypte. Au terme d’une longue quête animée par l’amour, Isis, l’épouse d’Osiris, va retrouver les morceaux de son époux et les reconstituer. Osiris est ramené à la vie.
« C’est donc un dieu bon qui meurt à cause de la violence de son frère et qui ressuscite grâce à l’amour de son épouse. C’est le paradigme de la résurrection promise à tout Égyptien », développe Christian Cannuyer. La civilisation égyptienne fut ainsi « la première à proclamer avec force, dès le IIIe millénaire avant notre ère, que la mort n’est pas une fin ».
Ces découvertes et consonances ne sont pas sans troubler la foi chrétienne. Est-ce à dire que celle-ci aurait copié les croyances des Égyptiens ? « Non, répond l’égyptologue. Nous constatons simplement une conjonction d’espérance et de foi dans cette idée que l’homme est appelé à la résurrection, et que la vie d’ici-bas n’est que le prélude à la vie qui va renaître. »
Les ressemblances de Marie mère de Dieu et d’Isis
Un titre reconnu par l’Église universelle, et passé par la foi des coptes, rencontre aussi des échos forts dans l’Égypte ancienne : celui de Marie mère de Dieu, Théotokos, en grec. Ce titre marial a été défendu avec force au Ve siècle par Cyrille, évêque copte d’Alexandrie, contre Nestorius, qui défendait l’idée que Marie était mère de l’homme.
Au terme d’une querelle théologique, c’est finalement Cyrille qui l’emporte, et la maternité divine de Marie est officiellement reconnue au concile d’Éphèse, en 431. Or, en Égypte, on vénérait de toute antiquité la déesse Isis, épouse d’Osiris, qui allaitait l’enfant Horus. Dans la phraséologie de l’Égypte ancienne, on appelait Isis « mère de Dieu ». Au Ve siècle, lorsque le titre marial est promulgué, le culte d’Isis était encore bien vivant en Égypte.
Cette conjonction se retrouve dans l’iconographie. Ainsi, les experts notent que la plus ancienne représentation de Marie donnant le sein se trouve dans l’art copte, en Égypte. Là où Isis était déjà représentée allaitant, portant son enfant sur ses genoux.
Ces capillarités culturelles et résonances peuvent ainsi expliquer l’accueil fait à l’Évangile par les Égyptiens. « On s’est demandé, écrit Christian Cannuyer, si la religion de l’Égypte pharaonique n’avait pas préparé la voie au christianisme, introduit de bonne heure dans la vallée du Nil. »
« Le progrès de notre intimité avec Dieu dépend de notre connaissance des fardeaux des hommes »
Extrait de Conseils pour la prière (1986), de Matta El Maskine, moine copte et théologien :
« Les degrés supérieurs de la prière, dans lesquels elle s’élance vers la perfection, ont pour signe la supplication fervente avec larmes en faveur des autres. C’est comme si notre progrès dans la vie de prière nous était accordé en fait au profit de nos frères faibles qui ne savent pas prier. (…)
Nous ne pouvons progresser dans les degrés de la prière, acquérir une véritable assurance auprès de Dieu, ni recevoir le don des larmes que dans la mesure du progrès de notre compassion envers ceux qui souffrent et sont outragés (soit par les hommes, soit par le péché) : “Souvenez-vous des prisonniers comme si vous étiez emprisonnés avec eux et de ceux qui sont outragés, comme étant vous aussi dans un corps” (Hb 13, 3).
Autrement dit, le progrès de notre intimité avec Dieu, qui a son centre dans la prière, dépend fondamentalement du progrès de notre connaissance des fardeaux des hommes et de notre disposition à les porter avec eux avec plus de générosité. »"
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Coptes (note du CLR).
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales