septembre 2006
"Deux associations accusent le dictionnaire d’en donner une définition trop positive.
« Colonisation. Sens 1 : Le fait de peupler de colons, de transformer en colonie. Sens 2 : Mise en valeur, exploitation des pays devenus colonies. »
« Coloniser. Sens 1 : Peupler de colons. Sens 2 : Faire de (un pays) une colonie. Exemple : Coloniser un pays pour le mettre en valeur, en exploiter les richesses. »
Quand il lit ça, Patrick Lozès, président du Cran, le Conseil représentatif des associations noires, « bondit ». « Ça », ce sont les définitions publiées dans l’édition 2007 du nouveau Petit Robert de la langue française.
Valeur. Mardi matin, Patrick Lozès s’est insurgé contre ces définitions, qui étaient déjà mot pour mot dans la toute première édition du dictionnaire, en 1967. Il « y voit là une manière de cautionner les "bienfaits" de la colonisation » et de « conforter ceux qui pensent que tous les hommes ne sont pas égaux ». La lettre qu’il a adressée à Alain Rey, sous la direction duquel le nouveau Petit Robert, 40e du nom, a été édité, réclame le retrait « pur et simple » de l’ouvrage « dans toutes ses éditions ».
Le Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) a émis « une vigoureuse protestation » contre ces « définitions (qui) sont une caution et une justification de la colonisation ». Pour Mouloud Aounit, son secrétaire général, ces définitions « subjectives » sont « méprisantes, porteuses d’un certain racisme », et manifestent qu’« une crampe mentale atteint ceux qui pensent que le colonialisme est un bienfait ».
Hier, Alain Rey était d’autant plus estomaqué par l’attaque qu’il « partage par ailleurs l’idéologie de ces associations ». Il est surpris par « l’inculture économique que ces attaques manifestent. Il faudrait avant tout [que les associations, ndlr] ouvrent le Petit Robert à l’entrée "valeur". C’est un terme qui relève de la sphère financière, qui n’a en soi pas de connotation positive ou négative. La mise en valeur d’une station de sport d’hiver ne veut pas dire qu’on va s’occuper de la nature, mais qu’on l’aménage pour se faire du fric ! Et qu’était la colonisation de nouvelles terres sinon l’exploitation, la mise en valeur de ses richesses, au bénéfice des colons ? Au-delà de ça, si on n’a pas le droit de parler des côtés positifs d’une chose qui est globalement négative, c’est une forme de révisionnisme ! »
Sensibilité. Cette polémique naît moins d’un an après le débat suscité par la loi du 23 février 2005, présentée par l’UMP, faisant mention du « rôle positif » de la colonisation. L’article litigieux avait finalement été supprimé par décret en mars. « C’est évident, cette nouvelle affaire est un miroir grossissant de l’extrême sensibilité de la société à ce sujet », analyse Aounit. Le Cran et le Mrap réclament un groupe de travail pour trouver « une définition de la colonisation qui n’est pas contestable », selon Patrick Lozès. Alain Rey évoque de son côté la possibilité d’échanger l’exemple pointé du doigt par une citation d’Aimé Césaire, tirée du Discours sur le colonialisme."
Comité Laïcité République
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