Revue de presse / chronique

"Les 450 ans de la Saint-Barthélemy, une occasion manquée" (I. De Gaulmyn, La Croix L’Hebdo, 3 sept. 22)

Isabelle De Gaulmyn rédactrice en chef à "La Croix L’Hebdo" 6 septembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"On cherche en vain une initiative commune à l’ensemble des chrétiens, protestants et catholiques, pour réfléchir sur cet événement, qui a pourtant durablement façonné, et façonne encore, le paysage religieux français."

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Lire "Les 450 ans de la Saint-Barthélemy, une occasion manquée".

"La manière dont les chrétiens de France ont commémoré – ou plutôt n’ont pas commémoré – les 450 ans de la terrible journée de la Saint-Barthélemy, la plus tragique tuerie des guerres de Religion, qui fit au moins 10 000 morts, est à l’image du dialogue entre les deux principales Églises chrétiennes de ce pays : au point mort. Il y a bien eu une cérémonie avec la Ville de Paris pour rebaptiser un jardin, avec la présence de la Fédération protestante. Et ce dimanche, le rendez-vous annuel des réformés, l’Assemblée du désert, dans les Cévennes, se déroulera autour de ce thème. Mais les protestants sont restés « entre eux ». Côté catholique, nulle initiative non plus en ce sens. Comme si les catholiques n’avaient pas été impliqués dans cet événement – pour le pire en grande partie – et n’avaient rien à dire dessus. Comme si, au fond, chaque Église, inquiète de voir ses effectifs diminuer, se recroquevillait sur sa propre mémoire, sans être capable de ne plus rien penser ensemble.

Certes, la Saint-Barthélemy est une vieille histoire… mais qui a marqué durablement les mentalités des Français, leur rapport au pouvoir et au pluralisme religieux. Pas question, comme certains l’ont glissé ici ou là, pour l’Église catholique de se livrer à une repentance, qui n’aurait pas grand sens aujourd’hui. En revanche, une réflexion commune des catholiques et des protestants autour de cet événement n’aurait-elle pas eu un certain intérêt ? La guerre en Ukraine montre, avec le soutien apporté par le patriarche orthodoxe de Moscou à l’offensive de Poutine, qu’aujourd’hui encore, les Églises chrétiennes ne sont pas à l’abri des tentations d’hégémonie politique et religieuse, quitte à bénir le recours à la guerre et à le justifier théologiquement, y compris à l’encontre d’autres chrétiens.

La construction européenne, après les deux guerres mondiales, doit beaucoup aux chrétiens, catholiques, protestants et orthodoxes, qui ont travaillé à leur niveau à ce rapprochement entre les peuples d’un même continent. Continuer aujourd’hui, dans une Europe en crise d’identité, à réfléchir ensemble sur nos différences et nos valeurs communes n’a rien d’inutile ou d’incongru.

Pour les catholiques, l’événement de la Saint-Barthélemy pose aussi toute la question de leur rapport au pluralisme. L’Église catholique s’est longtemps vécue comme la seule et l’unique religion de la France. Ce n’est plus le cas. Elle est contrainte d’apprendre à la fois le pluralisme religieux, et aussi le fait minoritaire, dans une France largement laïque. L’expérience des protestants est précieuse. De ce point de vue, il est frappant de constater la différence entre catholiques français et allemands, ces derniers étant naturellement bien plus disposés à dialoguer avec le reste de la société, sans revendiquer une ancienneté ou un avantage historique.

Que signifie être chrétien dans une société plurielle ? Comment, quand on est une minorité, prendre la parole et sur quels sujets ? Autant de questions sur lesquelles une réflexion conjointe serait souhaitable, avec des histoires et des expériences différentes. Dans une société où beaucoup de politiques estiment que les religions menacent l’unité de la nation, les chrétiens, parce qu’ils sont eux-mêmes pluriels et font l’expérience de la différence, ne doivent pas renoncer à faire valoir leur point de vue.

C’est même une urgence, sauf à voir le christianisme relégué dans les musées, à l’instar des divinités grecques ou romaines."


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