Revue de presse

"Le nouveau nationalisme est-il gay ?" (Le Monde, 30 juin 12)

5 juillet 2012

"[...] A un extrême, il y a ceux qui considèrent que les gays français sont déjà gagnés par la fièvre chauvine. En guise de symptôme, citons Pourquoi les gays sont passés à droite (Seuil, 144 p., 14,70 €), un pamphlet bâclé où Didier Lestrade, cofondateur d’Act Up-Paris, écrit notamment : "Tous mes amis ou presque confessent une gêne grandissante vis-à-vis de la banlieue, des Arabes et des Noirs." Sans aller jusque-là, d’autres soulignent les tentations cocardières qui traversent la planète LGBT. Ici encore, c’est la Gay Pride qui a mis le feu aux poudres. En 2011, devant la colère de plusieurs associations, les organisateurs ont dû retirer au dernier moment l’affiche qui annonçait le défilé parisien : barrée du slogan "Pour l’égalité, en 2011 je marche, en 2012 je vote", celle-ci représentait un coq dressant fièrement sa crête. "Ce symbole et ce slogan étaient naïvement homonationalistes, ironise Maxime Cervulle, coauteur d’un essai intitulé Homo exoticus. Race, classe et critique queer. Ainsi, la manifestation la plus centrale de la vie gay en France excluait clairement les sans-papiers et les étrangers."

A l’autre extrême, des militants et des chercheurs considèrent que tout cela relève de l’ergotage fumeux. Ainsi de Nicolas Gougain, président de la fédération inter-LGBT, qui qualifie la polémique concernant l’affiche de "ridicule" et estime que le débat sur l’"homonationalisme" n’a pas lieu d’être en France. "Autant ces discussions, notamment autour du voile islamique, ont traumatisé le mouvement féministe, autant elles sont très loin de nos préoccupations. C’est de la branlette intellectuelle qui concerne dix universitaires. Nous, pendant ce temps-là, on est sur le terrain, on se bat pour l’égalité des droits, on lutte pour ne pas être considérés comme des sous-citoyens, et on le fait en solidarité, par exemple, avec les lesbiennes sud-africaines qui se révoltent contre les viols collectifs. Certes, il faut faire attention à ne pas être instrumentalisés mais, pour le moment, en France, on a d’autres chats à fouetter !"

Plus nuancés, beaucoup d’observateurs du mouvement LGBT jugent que la tentation "homonationaliste" existe bel et bien en France, mais qu’elle demeure circonscrite par divers facteurs. A commencer par les positions de la droite et de l’extrême droite, traditionnellement conservatrices et relativement stables en la matière. Ainsi, après avoir manifesté quelques velléités "gay friendly", Marine Le Pen a très vite battu en retraite. De même, la droite répugne à faire de la question homosexuelle un critère discriminant. "La France n’est pas les Pays-Bas, constate le sociologue Eric Fassin, coorganisateur de la conférence d’Amsterdam. Là-bas, l’homophobie supposée des immigrés est un motif pour les laisser à la porte. Sarkozy, lui, n’a jamais utilisé les droits homosexuels pour tracer une frontière entre "nous" les Français et "eux" les étrangers. Il ne faut donc pas exagérer le phénomène homonationaliste en France. Mais il ne faut pas non plus le nier. Chez nous aussi, il y a bien une tentation de dire : l’homophobe, c’est l’autre." [...]

A l’horizon de ces débats, on perçoit le spectre d’une guerre culturelle dont les revendications LGBT seraient la nouvelle ligne de front. "Je me souviens d’un débat sur Pink TV, témoigne Maxime Cervulle. Cette émission posait la question : faut-il boycotter les pays homophobes ? comme si en France la question était réglée. Je me souviens aussi de l’engouement médiatique pour les livres sur l’homophobie dans les cités. Comme si l’homophobie épargnait les centres-villes ! Derrière ces manifestations d’homonationalisme, il y a le problème de l’universalisme occidental qui voudrait imposer ses valeurs." [...]"

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