(collectif, Le Monde, 13 juil. 24). 16 juillet 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Dimanche 7 juillet, au second tour des élections législatives, les Françaises et les Français se sont très majoritairement opposés au Rassemblement national en jouant pleinement le jeu du front républicain initié par le Nouveau Front populaire (NFP). Nous sommes très reconnaissants au NFP d’avoir proposé un tel front, malgré les profondes divergences qui l’ont opposé à l’ex-majorité présidentielle. Les résultats obtenus par l’extrême droite dans un nombre important de territoires montrent cependant que la colère et le désespoir – au sens littéral du terme – de millions de nos concitoyens et concitoyennes restent profonds.
La voie raciste et xénophobe choisie pour l’exprimer est une impasse qui conduirait le pays au désastre économique, social, écologique et démocratique. Il faut donc réussir à mettre en œuvre ici et maintenant une alternative qui permette d’éviter que la prochaine vague d’extrême droite ne soit encore plus haute et ne parvienne à nous submerger.
Le 7 juillet, les Françaises et les Français ont fait des députées et députés du NFP la première force à l’Assemblée nationale. Ils et elles n’ont pas donné cependant de majorité absolue au NFP et donc de mandat pour appliquer la totalité de son programme, comme cela avait pu être le cas en d’autres temps. Dans un tel contexte, il n’est pas envisageable de commettre l’erreur justement reprochée à Jacques Chirac en 2002 et à Emmanuel Macron en 2017 et 2022, qui, aussitôt élus, avaient oublié les voix de gauche ayant permis leur élection.
La position de principale force du NFP au sein de l’Assemblée nationale lui donne une responsabilité particulière pour proposer au pays les moyens de sortir de l’impasse où il se trouve du fait de l’absence de majorité claire au Parlement. Il nous semble impossible en effet que la France puisse rester durablement sans véritable gouvernement légitimé par l’Assemblée pour préparer le budget du pays pour 2025 et entamer la profonde réorientation des politiques publiques, indispensable pour ramener la concorde et faire (enfin) reculer l’extrême droite.
C’est pourquoi, le NFP doit sans tarder tendre la main aux autres acteurs du front républicain pour discuter d’un programme d’urgence républicaine et d’un gouvernement correspondant. Ce sera également le moyen de mettre au pied du mur l’ex-majorité présidentielle, en l’obligeant à se positionner vis-à-vis des nostalgiques qui, en son sein et à droite, rêvent encore de poursuivre et d’accentuer la politique qui a conduit le pays au bord du gouffre.
Le point de départ d’une telle négociation sera bien sûr, du côté du NFP, son programme, mais chacun et chacune d’entre nous sait, et admet par avance, que ce ne sera pas le point d’arrivée dans tous les domaines. Et très peu nombreux seront celles et ceux qui, dans le pays, tiendront rigueur au NFP d’avoir dévié de ce programme sur tel ou tel sujet si cela permet que la France soit gouvernée de manière stable et apaisée.
Nous avons la conviction que si la volonté politique est suffisante, il est possible de trouver un accord pour un tel gouvernement d’urgence républicaine. Et de montrer aux Françaises et aux Français que le message a été entendu. Que la volonté est là de mettre un terme à la dégradation des services publics, notamment d’éducation et de santé, d’améliorer le pouvoir d’achat des plus faibles, de rééquilibrer les territoires, de lutter enfin contre toutes les formes de racisme et de discrimination, d’accélérer une mutation écologique juste et solidaire et de réduire les injustices sociales et fiscales.
Le tout en commençant à refondre nos institutions pour renforcer la démocratie et à rétablir dans le champ médiatique les conditions d’un débat public serein et de qualité.
Nous savons que la société civile (associations, syndicats, think tanks, etc.) est prête à aider le NFP à dégager un tel programme d’urgence capable de rassembler une grande partie du pays. Et si d’aventure certains ou certaines préféraient privilégier leurs intérêts de boutique de court terme plutôt que les intérêts supérieurs du pays, cette société civile saurait aussi se mobiliser pour les ramener à la raison, comme elle l’a fait entre les deux tours des élections législatives vis-à-vis de celles et ceux qui étaient réticents à la mise en œuvre du front républicain.
L’avenir du pays est entre les mains du NFP. Nous comptons sur lui pour se porter à la hauteur des responsabilités que les Français et les Françaises lui ont confiées.
Premiers signataires : Loïc Blondiaux, politiste ; José Bové, ancien député européen ; Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre et écrivaine ; Patrick Braouezec, ancien parlementaire ; Thierry Cadart, questeur du Conseil économique, social et environnemental ; Quitterie de Villepin, innovatrice démocratique ; Cyril Dion, auteur et réalisateur, Hakim El Karoui, essayiste ; Aurélie Filippetti, ancienne ministre ; Noël Mamère, ancien député ; Ariane Mnouchkine, directrice de théâtre ; Christophe Prochasson, historien ; Frédéric Sawicki, politiste ; Benjamin Stora, historien ; Marisol Touraine, ancienne ministre ; Laurence Tubiana, professeure à l’Ecole normale supérieure." Liste complète des signataires.
Voir aussi dans la Revue de prsse le dossier Elections 2024 : gauche dans Elections 2024 (note de la rédaction CLR).
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