Tribune libre

Le lobby clérical ne doit pas être confondu avec les croyants (K. Slougui)

par Khaled Slougui, consultant formateur, président de l’association Turquoise Freedom. 25 mai 2020

[Les tribunes libres sont sélectionnées à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

C’est quoi l’important ?

J’aurais pu instinctivement répondre comme Gilbert Bécaud : ’L’important c’est la rose". Mais les religieux ne l’entendent pas de cette oreille.

Et puis, il y a la provocation affichée cette semaine par le clergé catholique qui semble retrouver du tonus, il y a la décision du Conseil d’Etat, l’ascension et la descente de Jésus, la nuit du destin chez les musulmans annonciatrice des miracles qui ne se sont jamais produits, et les fêtes juives… Toussa. Sans oublier Jupiter qui nous dit avoir retrouvé sa destinée. Aurait-il entendu des voix, comme la pucelle ?

Les voies du seigneur sont impénétrables, dit-on.

Je vais essayer de mettre un peu d’ordre dans tout ça, je parle de l’ordre comme forme de désordre. Voici donc :

1 - Ce qu’il y a d’insupportable, voire d’odieux, dans le Religieux (la majuscule n’est pas fortuite), c’est sa prétention matinée d’arrogance à détenir le monopole de la morale et de l’éthique, de la spiritualité... Le clergé catholique et ses merdias qui font pression sur le pouvoir, illustrent bien cet état d’esprit.

Monseigneur Aupetit nous apprend que la religion c’est plus important que la Culture. Parce que la religion c’est vital, et qu’aller à la messe, ce n’est pas la même chose que d’aller au cinéma, au théâtre etc...

Cela revient à revendiquer un statut d’exception à la Religion, d’où la demande de levée d’interdiction des réunions religieuses.

Prendre en otages les hommes et les textes, dire le bien et le mal, le vital et le non-vital, l’important et le futile, autorise tous les dépassements, toutes les perversions. Heureusement, le politique s’est émancipé du religieux, ce qui ne signifie en rien que cet acquis est irréversible.

2 - Il faut rappeler que le virus s’est répandu après un rassemblement évangéliste à Mulhouse tenu dans un temple en période de confinement. La manifestation religieuse ne doit pas troubler l’ordre public, stipule la DDHC [1]. Or la sécurité sanitaire fait partie de l’ordre public, le Conseil a tout faux.

La décision irresponsable du Conseil d’Etat de suspendre l’arrêté d’interdiction des réunions religieuses est un privilège accordé au Religieux. Le principe d’égalié est consubstanciel à celui de laïcité, il commande à l’Etat de permettre alors aux athées et aux laïques de se réunir eux aussi dans des lieux culturels et sportifs pour faire la fête.

Il n’est pas sans intérêt de rappeler que la reprise des usines, des écoles, des commerces, des transports, en observant les règles prescrites par le pouvoir, est d’utilité publique, ce n’est pas le cas des réunions religieuses, fussent-elles considérées comme un besoin vital par certains croyants.

Notons au passage que la levée de l’interdiction ne fait pas l’unanimité au sein des catholiques et encore moins pour les autres religions qui pointent les dangers d’une reprise des rassemblements religieux (musulmans et juifs).

Une sorte de surenchère s’installe entre religions, il n’y a que le machiavélisme clérical qui n’est pas la religion vraie, pour réussir pareil coup.

3 - En réalité , il s’agit là d’un poncif, la stratégie de culpabilisation aidant, de toutes les religions qui seraient victimes d’un pouvoir tyrannique influencé par "le laïcisme, le matérialisme et le légalisme". On parle déjà avec une simplification outrancière de guerre de religions.

Les demandes neoreligieuses des islamistes s’inscrivent dans ce même schéma : besoin, utilité, préférence... Quand le caractère de lobby a été ôté aux organisations religieuses, l’argument principal est qu’elles n’étaient pas dans un business, car utiles pour la société.

La paix des âmes est une affaire privée. La loi est supérieure à la religion, et 2/3 des français sont athées. La liberté de conscience des religieux ne doit pas menacer la sécurité des autres. Leur bon Dieu, ils peuvent y accéder sans mettre en danger la vie des gens, en toute pudeur (L’Evangile selon Mathieu insiste sur cette pudeur et le Coran stipule "Malheur à ceux qui prient avec ostentation").

4 - Ce n’est pas à l’Eglise d’expliquer ce qui est important. L’Etat ne reconnaît aucun culte et c’est à lui de légiférer dans le sens de l’intérêt général, d’autant qu’en république laïque les organisations religieuses ne sont pas sujets de droit, seul l’est le citoyen.

Cette démarche nous rappelle de triste mémoire la persécution des impies par l’Eglise qui serait juste. A contrario, la persécution de l’Eglise par les impies serait injuste (selon une lettre de Saint Augustin citée par Henri Pena Ruiz…).
Je ne parle pas des figures historiques de l’oppression cléricale (bûchers de l’inquisition, conversion forcée, guerres des religion...).

Nous y sommes, l’Eglise dit ce qui est important, et de là à prétendre interdire... Il n’y a qu’un pas qui sera vite franchi par toutes les religions qui dans des contextes précis sont très solidaires (avortement, enseignement privé, mariage pour tous).
Au lieu de nous donner des leçons, la Religion ferait bien de commencer à faire le ménage chez elle : pédophilie, viols, vols, soutien de pouvoirs totalitaires, trahisons en tous genres...

5 - Mais il ne faut surtout pas généraliser en jetant la pierre aux catholiques, comme on le fait trop souvent pour les musulmans, en oubliant de les distinguer des islamistes. Une majeure partie s’accommode très bien du confinement, et appelle à "respecter les consignes sanitaires dans le but du bien commun". Certains évêques rejettent même la notion de "persécution" qui frapperait cette religion. Le Pape François lui-même a exhorté les fidèles à obéir aux mesures décidées par les exécutifs.

C’est le lobby clérical qui est en cause, allant même, à l’instar des islamistes, à établir une hiérarchie religieuse : "Chez les musulmans ou les juifs, la fréquentation de la mosquée ou de la synagogue n’est pas le plus important." Le même raisonnement se trouve chez les islamistes ou des juifs orthodoxes qui justifient toutes leurs demandes néoreligieuses par le fait que c’est capital chez eux mais pas chez les autres.

Ce matin j’ai vu un dégénéré d’islamiste affirmant qu’un terroriste c’est mieux qu’un athée. L’ennemi véritable est identifié, on peut en dire autant pour le laïque.

Face à cette situation, l’Etat n’a d’autres choix que de retrouver le réflexe laïque : "L’Etat chez lui, et l’Eglise chez elle", aurait dit Victor Hugo.

Un petit Voltaire pour la route : "Dieu ne doit pas pâtir de la sottise du prêtre".
Je dis : le citoyen n’a pas à pâtir de la décision irresponsable du Conseil d’Etat.

Khaled Slougui



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