Revue de presse

"Le Hamas révélé" (Le Point, 15 août 24)

(Le Point, 15 août 24) 20 août 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

Mohamed Sifaoui, Hamas. Plongée au cœur du groupe terroriste, Éditions du Rocher, 21 août 2024, 358 p., 22 €.

"Livre. Avec « Hamas. Plongée au cœur du groupe terroriste », Mohamed Sifaoui remet la mosquée au centre du village.

Par Luc de Barochez

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Lire "Le Hamas révélé".

Malgré le massacre dont il s’est rendu coupable le 7 octobre 2023 en Israël, certains en France entretiennent encore l’image romantique d’un Mouvement de la résistance islamique (Hamas, selon l’acronyme en arabe) qui serait au cœur d’une noble lutte de libération nationale palestinienne contre un « colonialisme » israélien. C’est tout le mérite de l’enquête, bien documentée, du journaliste franco-algérien Mohamed Sifaoui de remettre la mosquée au centre du village : depuis sa fondation, en 1987 à Gaza, par des membres des Frères musulmans, le Hamas est animé par l’idéologie islamiste, galvanisé par la pensée djihadiste et voué à la destruction de l’État d’Israël. Il n’a jamais varié de cette ligne, même s’il a parfois avancé masqué. Et le fait que, contrairement à d’autres mouvements islamistes, il réserve ses coups aux Juifs (et aux Palestiniens qui ne partagent pas son idéologie), n’en fait pas un acteur digne de devenir un interlocuteur.

Extraits

« Ce qui allait marquer durablement la scène palestinienne, ce sont les combats qui ont éclaté entre le Hamas et le Fatah en juin 2007 à Gaza. Les affrontements ont été déclenchés par une série d’incidents violents et d’assassinats, chaque camp accusant l’autre de complots et de provocations. Les combats ont rapidement pris une tournure très grave, impliquant des forces de sécurité et des milices liées aux deux factions. En quelques jours seulement, les forces du Hamas, les Brigades Al-Qassam notamment, ont pris le contrôle de la bande de Gaza. […] Cette prise de contrôle a conduit à une scission politique et territoriale entre la bande de Gaza et la Cisjordanie, compliquant davantage le paysage palestinien et le processus de paix avec Israël. Cette séparation entre deux visions allait être accentuée par les disparités économiques qui allaient exister entre la Cisjordanie et Gaza. L’idée des Israéliens, que j’ai pu confirmer à travers certaines indiscrétions, consistait à soutenir l’économie de la Cisjordanie et à étouffer celle de Gaza. Ainsi, pensaient-ils, les Palestiniens percevraient un message subliminal : ceux qui choisissent la négociation et la paix pourront garantir la prospérité alors que ceux qui optent pour le terrorisme ne provoqueront que désolation. Le blocus autour de la bande de Gaza appuyait donc cette stratégie. Sauf que c’est le contraire qui s’est produit : le Hamas peut compter encore sur des sympathisants en Cisjordanie, et la population gazaouie lui est globalement acquise en raison du huis clos mis en place, qui a transformé la bande de Gaza en un immense ghetto. […]

Ce qui est rarement évoqué, c’est que les hommes du Hamas allaient devenir, dès l’année 2019, de véritables agents de renseignement, fournissant aux services iraniens toutes les informations utiles. Ainsi, une relation plus étroite a été scellée, ce qui permet à Téhéran d’utiliser ses alliés palestiniens comme des « sources » de terrain et, de son côté, le Hamas bénéficie des renseignements glanés par Téhéran via d’autres moyens, notamment technologiques. D’ailleurs, l’une des raisons – et c’est un avis partagé par plusieurs experts militaires – qui ont permis à l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 d’être une totale réussite d’un point de vue opérationnel et tactique, c’est la qualité du renseignement dont disposaient les hommes d’Al-Qassam. Or, cette qualité n’est possible que lorsqu’un groupe comme le Hamas accède aussi à des moyens et ressources dont peut disposer un État. […]

Pendant plusieurs années, avant sa sortie de détention et même par la suite, jusqu’en 2014, Yahia Al-Sinwar va s’atteler, à travers plusieurs écrans de fumée, à tromper les services israéliens qui l’épient. Il fait croire à tout le monde qu’il délaisse l’action armée et se montre sous les allures d’un pragmatique qui donne la priorité au projet politique du Hamas. Il fera quelques déclarations ici et là pour répéter à qui veut l’entendre qu’une guerre contre Israël « ne sert à rien ». Ce n’est qu’une fois sa position assurée qu’il commencera à montrer ses véritables intentions. Les services de sécurité israéliens continuent d’ailleurs de se mordre les doigts et de mesurer l’ampleur de leur erreur. Car, lorsqu’ils ont accepté de le libérer, certains analystes laissaient croire qu’étant donné la volonté qu’il a montrée pour apprendre l’hébreu et mieux comprendre la société israélienne, il serait plus facile de traiter avec lui, si d’aventure des négociations devaient s’ouvrir un jour avec le Hamas. C’est le contraire qui se produit, puisqu’il est devenu, incontestablement, à partir de 2015, le leader islamiste le plus dangereux pour l’État hébreu. […]

En vérité, jusqu’au 7 Octobre, ni Israël, ni la communauté internationale, ni l’Union européenne, ni même les États-Unis n’ont fait preuve de cohérence. Des années durant, nous avons assisté à une situation surréaliste qui amène les uns et les autres à décrire, à juste titre, le Hamas comme une organisation terroriste islamiste tout en acceptant que ses différentes structures, idéologiques, logistiques et politiques notamment, soient financées, sinon par des fonds européens, du moins par de l’argent provenant des États-Unis. Et, quand l’argent transitait par le territoire israélien en provenance de pays du Golfe – cela a été souligné –, il était convoyé par les services de sécurité israéliens. Il faut reconnaître qu’il n’existe aucun cas aussi incroyable, ailleurs dans le monde. Or, l’une des conséquences du 7 Octobre pousse à sortir complètement de ces ambiguïtés. Le Hamas est une organisation terroriste islamiste, il doit être donc traité comme tel et non pas comme un simple parti politique. Ce qu’il n’a jamais été. […]

Il faut voir le Hamas en mille-feuille, chaque strate de son identité représentant un fonctionnement particulier. Il y a le parti politique qui peut faire preuve d’un certain pragmatisme, lorsque cela sert ses intérêts ; il y a la milice terroriste, qui peut tuer et massacrer sans aucune pitié ; il y a le mouvement prosélyte religieux, qui sait séduire les masses ; il y a l’un des acteurs majeurs du mouvement national palestinien, qui maîtrise en plus l’art de la diplomatie ; il y a le groupe qui s’adonne à la contrebande ; bref, autant de visages qui, finalement, se sont tous dévoilés depuis le 7 octobre 2023. Le Hamas est plus qu’une milice, plus qu’un parti, plus qu’une organisation, c’est un système qui repose sur une architecture complexe, tentaculaire, qui possède des soutiens aux quatre coins de la planète et autant de complices. Et pas des moindres. J’ai parlé de l’Iran, du Qatar ou de la Turquie, j’ai évoqué l’Algérie, l’Afrique du Sud et la Tunisie. J’aurais pu en dire davantage sur la Russie, voire certains pays d’Amérique latine comme le Venezuela ou le Nicaragua. L’on m’a parfois demandé de définir le Hamas en quelques mots. La réponse que je donne peut choquer quelques observateurs en Occident, surtout ceux qui pensent qu’il s’agit d’un « mouvement de résistance ». Elle surprend cependant beaucoup moins les initiés, notamment dans le monde arabe, qui suivent cette organisation depuis sa naissance, ce qui est mon cas. Je répète ainsi souvent que le Hamas obéit à une pensée islamiste. Il possède un mode opératoire terroriste mais il agit, au quotidien, selon une logique mafieuse. Je pense sincèrement que cela résume les principaux contours de ce groupe iconoclaste qui a su faire militer ensemble le médecin formé au Caire et le voyou du camp de Jabaliya, le religieux formaté par les Frères musulmans et le jeune désœuvré de Khan Younès. À tous, la mouvance islamiste a vendu plus que la « libération de la Palestine », elle a promis le paradis. »"


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