Revue de presse

"Le Conseil français du culte musulman adopte une « charte des principes »" (la-croix.com , 17 jan. 21)

18 janvier 2021

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le Conseil français du culte musulman (CFCM) a annoncé le 16 janvier un accord sur une « charte des principes de l’islam de France ». Les fédérations qui composent l’instance l’ont approuvée dimanche 17 janvier.

Laurent de Boissieu et Mélinée Le Priol

►Quelle est l’importance de cette charte ?

La « charte des principes de l’islam de France », sur laquelle les dirigeants du Conseil français du culte musulman sont parvenus à un accord le 16 janvier, doit servir de fondations au futur conseil national des imams souhaité par Emmanuel Macron afin de certifier la formation des imams qui exercent en France. La Grande mosquée de Paris (GMP) avait déjà signé un texte fin 1994, de même que six grandes fédérations musulmanes en 2000. L’enjeu pour l’État n’est plus seulement d’organiser les rapports entre les pouvoirs publics et le culte musulman mais de ne « labelliser » que les imams qui acceptent les valeurs républicaines.

Source de nombreux débats, le contenu de la future charte – qui n’a pas encore été rendue publique – sera examiné à la loupe. Le président du Conseil français du culte musulman, Mohammed Moussaoui (Union des mosquées de France), et ses deux vice-présidents, Chems-Eddine Hafiz (Grande mosquée de Paris) et Ibrahim Alci (Comité de coordination des musulmans turcs de France), estiment que l’objectif est atteint « sur la compatibilité de la foi musulmane avec les principes de la République, sur le rejet de l’instrumentalisation de l’islam à des fins politiques, sur la non-ingérence des États dans l’exercice du culte musulman en France, sur le principe de l’égalité homme-femme et sur le rejet de certaines pratiques coutumières prétendument musulmanes ».

Même satisfaction du côté de l’État. « C’est un texte courageux et inédit, applaudit l’entourage de Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des cultes. L’apostasie et la liberté de conscience y figurent, de même que la dénonciation de l’islam politique et de ses courants : wahhabisme, salafisme, tabligh, Frères musulmans. » Il s’agirait donc d’un texte ferme, au risque de pas être signé par toutes les fédérations du CFCM. « Chacun prendra ses responsabilités », assume le ministère.

►Peut-on parler d’une « composante islamiste » au sein du CFCM ?

Si Chems-Eddine Hafiz est de retour à la table des négociations, son retrait brutal – qu’il disait alors « irrévocable » – fin décembre du projet de conseil national des imams soulève des questions. Le recteur de la GMP dénonçait alors une « composante islamiste au sein du CFCM », visant, sans les nommer, trois des neuf fédérations : Musulmans de France (ex-UOIF), Foi et pratique et Milli Görüs.

Si aucune de ces fédérations n’est une nouvelle venue, la première fut présente au sein du bureau du CFCM dès sa création en 2003. Nicolas Sarkozy assumait alors : « Je les préfère dedans que dehors. » Proche des Frères musulmans, l’ancienne UOIF a été souvent attaquée pour cette raison. En perte d’influence, elle n’a obtenu qu’un siège non-coopté (sur 45) lors du dernier scrutin, fin 2019. Des observateurs évoquent son « rigorisme politisé », mais estiment que ses représentants n’ont pas tenu, ces dernières années, de propos publics contraires à la République ou appelant à la haine.

Foi et pratique, elle, ne disposerait que d’une dizaine de mosquées en France. Cette petite fédération issue du mouvement tabligh, né en Inde, est conservatrice, piétiste et prosélyte, mais désengagée de tout combat explicitement politique.

Milli Görüs, enfin, est l’une des deux fédérations liées à la Turquie, et proche d’Ankara : elles représentent désormais, avec des fédérations de sensibilité marocaine, les structures les plus influentes du CFCM (neuf sièges obtenus en 2019). Fondée en 1969 par Necmettin Erbakan, premier chef de gouvernement islamiste de l’histoire de la Turquie, Milli Görüs mêle conservatisme religieux et nationalisme anti-occidental.

De l’avis de plusieurs observateurs, ce terme d’« islamisme » est souvent instrumentalisé par différents acteurs du culte musulman pour régler leurs querelles internes, au risque d’empêcher un débat serein sur les questions légitimement posées par cette charte."

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