Jugeant légale la décision médicale prise par le CHU de Reims de mettre fin aux traitements de Vincent Lambert, la plus haute juridiction administrative française a rejeté la demande des parents de cet homme de 38 ans qui souhaitent son maintien en vie.
Le Conseil d’État a ainsi suivi l’avis du rapporteur public, qui avait préconisé vendredi l’arrêt des soins, estimant que le patient était maintenu "artificiellement" en vie, ce qui relevait d’une "obstination déraisonnable". "La décision rendue aujourd’hui par le Conseil d’État (...) s’inscrit dans le cadre tracé par la loi Leonetti", a déclaré Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil, dans une courte déclaration à l’issue de l’audience.
Si le Conseil d’État "a souligné que l’état médical le plus grave, y compris la perte irréversible de toute conscience, ne peut jamais suffire à justifier un arrêt de traitement", il a également estimé "qu’une attention toute particulière doit être accordée à la volonté du patient", a ajouté M. Sauvé.
Dans le cas de M. Lambert, "il résulte de l’instruction qu’il avait, avant son accident, clairement et à plusieurs reprises exprimé le souhait de ne pas être artificiellement maintenu en vie", a expliqué M. Sauvé, précisant que "le médecin en charge de M. Lambert avait respecté les conditions imposées par la loi pour l’arrêt des traitements". [...]
Rappel des décisions médicales et judiciaires qui ont marqué ce drame familial
- Septembre 2008 : Vincent Lambert est hospitalisé à Reims après un accident de la route. Il est plongé dans un coma artificiel sans avoir écrit de directives précisant son opposition à tout acharnement thérapeutique.
- 10 avril 2013 : un protocole de fin de vie est engagé par le CHU de Reims en accord avec sa femme Rachel, mais sans consulter explicitement ses parents. Pour les médecins, le malade multiplie des comportements d’opposition aux soins "faisant suspecter un refus de vivre".
- 11 mai : saisi par les parents, catholiques traditionalistes opposés à l’euthanasie passive de leur fils, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ordonne le rétablissement de l’alimentation. Il reproche aux médecins un manque d’information à la famille.
- 11 janvier 2014 : le CHU informe la famille de la décision d’arrêter les traitements de nutrition et d’hydratation artificielles du patient, conformément à la loi Leonetti. Une réflexion sur la fin de vie de Vincent Lambert a été menée pendant quatre mois, avec toute la famille et quatre experts. Seul celui des parents a plaidé pour le maintien en vie. Rachel et sept autres membres de cette famille recomposée soutiennent le protocole de fin de vie.
- 13 janvier : les parents, une soeur et un demi-frère de Vincent Lambert saisissent le tribunal administratif pour s’opposer au protocole.
- 16 janvier : le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne se prononce contre la décision d’euthanasie passive. Il juge que "la poursuite du traitement n’était ni inutile, ni disproportionnée" et donc que le cas sortait du champ d’application de la loi Leonetti.
- 28 janvier : Rachel Lambert annonce saisir le Conseil d’Etat pour demander l’arrêt du "maintien en vie artificielle". Le lendemain, le CHU de Reims se joint à cette démarche.
- 14 février : le Conseil d’Etat demande une nouvelle expertise médicale.
- 27 mai : l’expertise confirme son incurabilité et note une "dégradation" de son état de conscience et de son état général mais elle évoque avec prudence la question d’un arrêt des soins. Pour les médecins, l’existence de réactions du patient aux soins ne fait pas de doute mais leur interprétation prête à discussions.
- 20 juin : le rapporteur public du Conseil d’Etat Rémi Keller se prononce contre la poursuite du traitement qui maintient en vie Vincent Lambert. Le Conseil d’Etat met sa décision en délibéré et doit la rendre publique mardi.
- 24 juin : La CEDH annonce avoir été saisie en urgence par les parents de Vincent Lambert, opposés à l’arrêt des soins. Le Conseil d’Etat se prononce pour l’arrêt des soins."
Lire "Le Conseil d’État pour l’arrêt des soins de Vincent Lambert".