3 juillet 2013
"Une "assistance médicalisée" pour mourir dans la dignité : c’était l’engagement du candidat Hollande à la présidentielle. Pour y donner suite, l’Elysée avait promis, en décembre 2012, un projet de loi pour juin 2013, et avait saisi le Comité consultatif national d’éthique (CCNE). Celui-ci lui a répondu, lundi 1er juillet. Dans son avis n°121, il propose des évolutions sur quelques points qui font consensus, mais se montre surtout divisé, notamment sur l’aide au suicide.
Face à cette absence de vision commune, ses membres sont tombés d’accord sur un point : la nécessaire poursuite de la réflexion. Ils appellent à la tenue d’un débat public, qui devrait passer par des états généraux. François Hollande a indiqué qu’"au terme du débat, il y aura, sans doute à la fin de l’année, un projet de loi" qui "complètera, améliorera la loi Leonetti".
Pour Jean-Claude Ameisen, président du CCNE, cet avis est donc "une étape". Son articulation originale montre cependant un tournant. L’avis publié lundi est composé de deux parties : une contribution majoritaire, dont les conclusions sont dans la lignée des réflexions sur la question en France, avec des avancées à pas comptés. Et une contribution minoritaire, signée par 8 des 40 membres du CCNE, qui propose de changer la façon de poser le problème.
L’Elysée avait interrogé le CCNE sur trois points :
les directives anticipées – ces dernières volontés que peuvent rédiger les patients pour leur fin de vie –,
les conditions pour "rendre plus dignes les derniers moments d’un patient dont les traitements ont été interrompus (…)",
et celles "pour (…) permettre à un malade conscient et autonome, atteint d’une maladie grave et incurable, d’être accompagné et assisté dans sa volonté de mettre lui-même un terme à sa vie".
Sur la première question, le comité juge que les "directives" s’apparentent dans la pratique davantage à des souhaits. Il préconise de leur donner une "valeur obligatoire", dans le cas où un patient atteint d’une maladie grave les a rédigées avec l’aide d’un médecin.
Sur la question de la dignité des derniers instants aussi, le CCNE propose un rééquilibrage entre droits des patients et devoirs des médecins. Il préconise que la procédure collégiale, apparue avec la loi Leonetti de 2005 et mise en place pour décider de l’arrêt des traitements, intègre, en plus des médecins, le patient, la famille, les soignants.
Concernant la sédation profonde – l’endormissement après l’arrêt des traitements – jusqu’au décès, en phase terminale, le comité estime à l’unanimité qu’elle doit être obtenue si le patient la demande. Il s’agirait d’"un droit nouveau", qui s’ajouterait à celui de refuser tout traitement. Cependant, dans la contribution majoritaire, le comité d’éthique a tenu à préciser que cette "sédation continue" n’est pas une euthanasie, la mort survenant "dans une temporalité qui ne peut être prévue".
Pour le reste, le comité n’a pas abouti à des avis partagés. Ainsi, sur la possibilité d’"accélérer la mort" dans des conditions strictes, comme l’envisageait le rapport Sicard remis en décembre 2012 à M. Hollande, la majorité des membres n’a souhaité ouvrir la voie que dans deux cas précis.
Celui des nouveau-nés en réanimation d’abord : le CCNE juge inutile, au regard de la souffrance des parents, une fois les traitements et l’alimentation arrêtés, de prolonger l’agonie.
Et, pour les patients en toute fin de vie, il considère que les précautions sur l’accélération ou non de la mort n’ont plus la même importance.
C’est sur l’assistance au suicide que le CCNE était le plus attendu. Il n’a pas répondu à la question, étrangement posée par l’Elysée, de "comment" la mettre en place, mais s’est demandé s’il fallait ou non l’autoriser. La contribution majoritaire répond par la négative, notamment parce que les limites seraient difficiles à fixer.
Mais selon le groupe minoritaire, les débats devraient cesser de se focaliser sur les différences sémantiques entre assistance au suicide, suicide assisté ou euthanasie. Il estime nécessaire de dépasser la distinction à la base de la législation actuelle, qui autorise le "laisser-mourir" – "seul jugé éthique" –, et pas le "faire-mourir".
Selon ces sept signataires, arrêter l’alimentation ou débrancher un respirateur artificiel, c’est déjà aider à mourir. Ils jugent donc que la loi autorise de fait, mais sans le dire, à donner la mort. "Il n’y a véritablement aucune différence de nature et, par conséquent, aucune différence éthique entre un tel acte, qui fait mourir mais qui se trouve néanmoins autorisé, et une injection létale qui devrait au contraire, dans tous les cas et dans toutes les situations, demeurer interdite", expliquent-ils. Ils proposent de s’interroger plutôt sur le problème éthique du "comment on aide à mourir". Un type de réflexion qui semble plus proche de celle de l’Elysée, voire de la société.
L’avis global devrait décevoir ceux qui voulaient voir la législation évoluer rapidement et radicalement. "Ce qui me semble essentiel pour le comité n’est pas tant d’aboutir obligatoirement à des recommandations utilisables telles quelles par le législateur, mais de faire ressortir la complexité, de donner des éléments de réflexion pour aider la société et le législateur à décider en connaissance de cause", explique M. Ameisen. A titre personnel, le président du CCNE souhaite la tenue d’états généraux dès l’automne.
L’Elysée, où l’on dit M. Hollande toujours déterminé à légiférer, devrait logiquement attendre la fin du débat public pour relancer le dossier. Un délai commode : après les manifestations contre le mariage pour tous, l’heure est à l’apaisement sur les questions de société.
Le CCNE rendra un rapport après les états généraux. Mais l’avis des Français ne sera pas seul à faire évoluer sa position. La question est très politique : le statu quo préconisé par le comité ne surprend pas, car tous ses membres ont été nommés avant l’élection de François Hollande – seul changement depuis, Jean Claude Ameisen qui y siège depuis 2005 a été nommé à sa présidence. Or, le CCNE est en train de renouveler la moitié de ses membres, dont quatre seront désignés par l’Elysée – les noms des nouveaux membres seront connus dans quelques jours. Il y a fort à parier qu’après cela, les lignes pourraient bouger."
Comité Laïcité République
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