11 décembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Laure Daussy
Lire "Laïques sans frontières : pour une loi de 1905 universelle".
« Il faudrait inscrire la laïcité au patrimoine mondial de l’Unesco ! » Rarement la laïcité aura été autant espérée et demandée par ceux qui vivent parfois jusque dans leur chair son absence : des athées – pour beaucoup ex-musulmans – et libres-penseurs du monde entier, souvent menacés et persécutés dans leur pays d’origine. Ils se sont retrouvés à Paris, à l’Hôtel de Ville, lors d’un rassemblement qui fera date, vendredi 8 et samedi 9 décembre. Pour la première fois, en France, des militants laïques du monde entier se sont donc réunis avec un mot d’ordre : appeler à mettre en place la laïcité dans tous les pays du monde. L’année dernière, ce rassemblement était intitulé Celebrating Dissent et se déroulait à Cologne. Cette année, il était organisé à l’initiative de Laïques sans frontières, association présidée par la cinéaste franco-tunisienne et militante laïque Nadia El Fani, et par le Conseil des ex-musulmans de Grande-Bretagne, fondé par Maryam Namazie, réfugiée iranienne au Royaume-Uni. Charlie en était un des partenaires.
Parmi les points forts de cette rencontre, l’adoption d’un appel international (à lire ci-dessous), élaboré tout au long des deux jours. Certains termes ont fait débat, révélateurs du combat de ces ex-musulmans : faut-il appeler à un « droit à l’apostasie » et à un « droit au blasphème », comme proposé dans une première version de l’appel ? « Ce sont les mots qui sont utilisés pour nous condamner, c’est reprendre les termes des religieux ! » reprochent plusieurs participants dans la salle. D’autres tiennent à ces mots. L’assemblée optera finalement pour ajouter la notion de « délit », en appelant à « la suppression du délit de blasphème et d’apostasie ».
L’appel existe aussi en anglais, et le choix a été fait de traduire « laïcité » par laicity, et non par secularism, comme c’est souvent le cas, manière de montrer la spécificité du concept et de le dissocier du modèle multiculturel présent en Grande-Bretagne. « Un modèle qui aboutit à ce qu’existent 300 tribunaux qui se fondent sur la charia, en parallèle de la justice britannique, et qui décident par exemple du sort des femmes quand elles divorcent, celles-ci ne bénéficiant pas de la loi commune », dénonce la militante laïque et féministe franco-algérienne Marieme Helie Lucas lors d’une des tables rondes. « La laïcité n’est pas une valeur typiquement française, mais une valeur universelle, à laquelle nous aspirons tous », ajoute Taha Siddiqui, journaliste pakistanais réfugié en France, menacé dans son pays pour avoir exercé sa liberté d’expression.
Comment devenir athée
Les participants souhaitent aussi que l’« on ne regarde plus le monde musulman comme un bloc » : « oui, il y a des athées en Islam ! » proclame le livret de présentation de l’événement. Ils étaient nombreux à le revendiquer et à dénoncer la manière dont ils sont parfois perçus dans les pays dans lesquels ils sont réfugiés : considérés comme « islamophobes » et pas soutenus par les partis de gauche dans leurs pays d’accueil. « Pourquoi on est devenus athées ? La réponse est simple : parce qu’on a lu le Coran ! » lance Fauzia Ilyas, ex-musulmane qui a dû fuir le Pakistan.
Parmi les questions portées au débat : y a-t-il une possibilité d’athéisme dans le Coran ? La philosophe et membre du conseil d’orientation de la Fondation de l’islam de France Razika Adnani a évoqué plusieurs versets qui peuvent être considérés comme défendant la liberté de conscience. « Mais ils ont été ignorés », explique-t-elle. Elle souligne que l’islam peut évoluer, y compris en se fondant sur les textes coraniques. Une évolution nécessaire, martèle-t-elle, en prenant l’exemple de la Turquie, qui a su mettre en place très tôt la laïcité, mais qui subit un violent retour en arrière car cette laïcité n’a pas été accompagnée d’une évolution de la religion. D’autres estiment qu’il ne sert à rien de vouloir faire évoluer l’islam et que la priorité est de laisser la religion de côté. Maryam Namazie se lève et présente à l’assemblée un petit livre qu’elle vient de publier, intitulé Le Coran des femmes. C’est en réalité un carnet aux pages blanches, entièrement vide, car rien n’est respectueux envers les femmes dans le Coran, clame-t-elle sous les applaudissements."
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