16 août 2015
"Alors que la préfecture a indirectement interdit à l’association Les Profanes de manifester pendant le dépôt de gerbe des élus, Thomas Scuderi, adjoint à la démocratie, explique son absence. Et souhaite l’ouverture d’un débat.
Des élus de la République qui intègrent une procession de l’Assomption, au sortir des vêpres jusqu’à la statue de la Sainte Vierge…
C’est une tradition en Alsace-Moselle et plus particulièrement à Metz. Surtout cette année, 75e anniversaire de la manifestation du 15 août 1940 (lire par ailleurs). Mais cette fois, le débat, si ce n’est la polémique, s’invite dans le cortège.
Depuis 2013, l’association de laïcs convaincus Les Profanes se glisse dans cette procession pour manifester, en silence et en pancartes. Mais, cette année, leur demande officielle, formulée auprès de la préfecture, a reçu une réponse mitigée : l’association a le droit de se réunir, à l’heure du dépôt de gerbe et du Je vous salue Marie , mais pas place saint-Jacques. « C’est subtil. Mais cela revient, de fait, à interdire la manifestation, qui n’a aucun sens si elle a lieu place d’Armes ! », soutient Vincent Morel, président des Profanes.
Pour justifier sa décision, la préfecture assure que « des tensions étaient apparues entre les deux manifestations » l’an dernier. Ce qui est contesté par Les Profanes, mais également par plusieurs élus, de la majorité et de l’opposition. Mais la préfecture n’en démord pas. Pour elle, il convient d’assurer « le respect de l’ordre public » et ce, sans entraver la liberté de manifester puisqu’un « autre endroit a été proposé » aux Profanes.
« C’est désolant. Nous voulons simplement faire passer notre message qu’il ne peut y avoir de laïcité et de liberté absolue de conscience qu’avec la neutralité de l’État », dénonce Vincent Morel. Un argumentaire que partage Thomas Scuderi. L’adjoint au maire de Metz, en charge de la démocratie participative et de la citoyenneté, vient d’annoncer publiquement qu’il ne participera pas à cette procession comme à aucune cérémonie religieuse.
Un choix constant depuis 2008, date de sa première élection. Mais, cette année, où résonnent encore les attentats de Charlie-Hebdo , l’élu socialiste, qui a pris du galon au sein de la majorité municipale depuis les dernières élections, a décidé de l’affirmer haut et fort. « Je considère que ce n’est pas la place d’un élu de la République. Je ne veux donner de leçon à personne. Chacun a sa propre définition de la laïcité mais, pour moi, mon choix est catégorique. La neutralité est prépondérante. Je me dois de le dire pour participer au débat. Et aussi parce que ma délégation accentue mon devoir d’exemplarité. »
L’ensemble des élus, de la majorité comme de l’opposition, sont conviés par le diocèse à la procession de ce samedi, départ de la cathédrale à 14 h 30. Rien n’est imposé. Des élus catholiques et parfois même d’autres confessions y participent, comme des athées. D’autres s’y refusent, mais plus discrètement. « Très peu d’élus se positionnent, surtout l’été. Mais ce serait une bonne chose d’ouvrir un vrai débat citoyen, surtout en zone concordataire. La polémique naît du paradoxe entre le concordat et la laïcité. L’absence de débat public est un moyen de diviser alors que la laïcité devrait rassembler en respectant l’ensemble des religions. » Thomas Scuderi a conscience que son choix de ne pas participer à la procession n’est pas celui de tous. Notamment celui de Dominique Gros. « Nous n’avons pas la même vision, le maire et moi ; ce que je respecte. Je pense que, dans la majorité municipale, il y a de tout : des laïcards, des croyants. Il y a aussi chez certains élus une forme d’électoralisme à être présent dans un grand rassemblement. Je ne critique pas… Mais je l’observe. »
Evidemment, ces interventions ont entraîné des réactions.
Marie-Jo Zimmermann tient à exprimer son "indignation, aussi bien à l’égard de ceux qui veulent s’opposer à la présence officielle d’élus à cette manifestation qu’à l’égard de ceux qui instrumentalisent sournoisement la situation dans le but de déstabiliser le droit local d’Alsace-Moselle". Pour elle, cette "procession plonge dans l’histoire même de la ville et nous avons le devoir de la respecter". C’est simple, pour la députée, "il est donc légitime que les élus nationaux et locaux participent, ès qualité, à la procession du 15 août". Elle "approuve et soutient sans réserve" la décision du préfet.
Au sein du PCF, Pascal Bortot, secrétaire de la section de Metz, et Jacques Maréchal, secrétaire départemental, prennent leur distance avec l’action des Profanes. "La laïcité, écrivent-ils, n’est pas un anathème frappant d’obscénité toute conviction religieuse". "Nous communistes, nous voulons l’extinction progressive du régime concordataire, par l’arrêt du recrutemnet par l’Etat de nouveaux agents du culte. Nous demandons la fin des cours de religions dans l’école publique, pratique obsolète comme en témoignent les nombreuses dérogations". Voir le maire à la manifestation ne les choque pas, si sa présence n’est pas démonstrative de convictions personnelles. Mais leur verdict politique est sans appel : "Organiser une contre-manifestation le 15 août ne fera pas progresser la laïcité"..
Lire "Laïcité : les élus doivent-ils participer à l’Assomption à Metz ?".
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