28 août 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Le ministre de l’éducation nationale, qui s’est exprimé dimanche 27 août sur TF1, a annoncé l’interdiction des abayas à la rentrée. Il répond en cela aux attentes des proviseurs qui avaient le sentiment d’être laissés seuls face au problème. Les contours de cette interdiction sont néanmoins délicats à fixer.
Bernard Gorce
Lire "Laïcité : Gabriel Attal interdit les abayas à l’école".
[...] Cette décision était attendue. Jeudi 24 août, lors d’un discours aux recteurs d’académie, le ministre s’est engagé à faire part « de façon formelle et dans les tout prochains jours de la conduite à tenir pour la rentrée ». Une note des services de l’État vient de révéler une augmentation en un an de 120 % des signalements d’atteinte à la laïcité qui concernent dans la moitié des cas le port de tenues ou signes religieux contraire à la loi de 2004.
« Notre école est testée », avait affirmé le ministre aux recteurs en leur promettant de la fermeté, marquant ainsi sa volonté de se démarquer de son prédécesseur. À peine nommé au ministère de la rue de Grenelle, en mai 2022, Pap Ndiaye avait été attaqué par la droite, qui lui reprochait de ne pas dénoncer la pratique émergente. Le ministre avait finalement reconnu en octobre le « phénomène » et adressé un courrier aux responsables d’établissement, posant le principe d’une réaction au cas par cas.
Sanction disciplinaire
Pour Pap Ndiaye, à la différence d’un voile ou d’une kippa, ces tenues traditionnelles ne sont pas intrinsèquement des tenues religieuses et ne sont pas directement visées par la loi de 2004. Le courrier ministériel précisait toutefois que ces vêtements peuvent être interdits « au regard du comportement de l’élève ». Si le vêtement est porté de façon régulière, que l’élève refuse de l’ôter, qu’il s’agit de la tenue qu’il porte aussi pour les fêtes religieuses, une mesure disciplinaire peut être engagée.
Pour répondre aux syndicats de chefs d’établissement qui ont depuis dénoncé le flou de la situation et réclamé une règle claire, Gabriel Attal a tranché en sens inverse. Ces abayas sont bien, selon lui, des tenues religieuses qui tombent sous le coup de la loi de 2004 et il devrait donc, en toute logique, adresser une nouvelle circulaire en ce sens à son administration.
Un catalogue de dispositions vestimentaires
L’interdiction systématique des abayas ouvrira forcément un contentieux dont l’issue n’est pas évidente. D’une part, des instances religieuses comme le Conseil français du culte musulman (CFCM) ont affirmé, dimanche 11 juin, que ce vêtement n’était pas un signe religieux musulman. Un avis partagé par la Fondation pour l’islam de France, qui avait exprimé un avis en ce sens en octobre 2022.
Les pouvoirs publics pourraient toutefois s’appuyer sur le contexte, le poids des influenceurs islamiques sur Internet, les campagnes orchestrées pour défier la laïcité ou l’ampleur des signalements de l’administration, pour montrer que l’abaya est bien l’expression d’une démarche religieuse.
D’autre part, une interdiction de principe suppose, pour être efficace, de viser des vêtements particuliers alors que l’inventivité (modèle des tenues, longueurs des tissus…) des jeunes filles est sans limites. C’est en ce sens que Pap Ndiaye avait refusé, en juin dernier, d’établir un « catalogue de dispositions vestimentaires qui de surcroît serait déjoué le lendemain ».
En 2004, le législateur avait évité le piège d’une liste énumérative en recourant à une formule souple : est interdit « le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse ». La circulaire d’application avait ensuite mentionné le voile islamique, la kippa ou une grande croix, mais seulement à titre d’exemple.
Le retour de l’uniforme
Dans une note publiée le 6 juin, l’observatoire Vigie de la laïcité, qui réunit notamment des juristes, soulignait l’impossibilité de s’opposer aux tenues dont le caractère religieux n’est pas avéré. S’il s’agit d’un vêtement « qui peut être porté communément par n’importe qui (comme une jupe longue ou un haut ample, ou encore une robe longue et ample), la loi ne permet pas de l’interdire simplement parce que serait suspectée une appartenance religieuse ». Par définition, la tenue n’étant alors pas « ostensible » puisque non « immédiatement reconnaissable » comme religieuse.
Le retour de l’uniforme à l’école, proposition avancée dès 2003 dans le rapport Baroin sur la laïcité, serait encore une autre piste à laquelle Gabriel Attal n’est pas opposé. Le ministre a fait appel à candidatures et publiera en septembre la liste des premiers établissements volontaires pour tester la solution. Au sein du gouvernement, certains ministres appuient en ce sens, comme Sonia Backès, chargée de la citoyenneté auprès du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin. Brigitte Macron s’était également prononcée pour le retour de l’uniforme dans un entretien au Parisien en janvier dernier."
Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers Voile, signes religieux à l’école dans Atteintes à la laïcité à l’école publique dans la rubrique Ecole et Gabriel Attal (note du CLR).
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