Revue de presse

"Laïcité à l’école : « Il y a une génération d’ados foutue », déplore Charlie Hebdo" (leparisien.fr , 22 av. 18)

26 avril 2018

"Le journal satirique a recueilli le témoignage de 150 enseignants sur la difficulté de parler en classe de laïcité et de religion. Gérard Biard, son rédacteur en chef, invite le corps enseignant à ne plus éviter ce sujet ultrasensible.

C’est un petit encart, publié en janvier, dans le numéro « anniversaire » de Charlie Hebdo. Comme on cherche les racines du mal, les clés pour comprendre, le journal satirique interrogeait les profs, trois ans après l’attentat au cours duquel douze personnes, dont huit membres de sa rédaction, ont été assassinées. Comment se passent les cours sur la laïcité ? Que disent les élèves ? Quelque 150 enseignants ont envoyé leurs réponses, livrant un état des lieux sans concession aujourd’hui publié sous la forme d’un hors-série [1].

« Il n’est pas très optimiste, je l’accorde », commente Gérard Biard, derrière ses lunettes rondes. Mais le rédacteur en chef de Charlie Hebdo espère qu’il sera utile, comme « outil pédagogique pour les professeurs, entre eux ». Et comme un antidote au découragement.

Pourquoi avez-vous choisi de consacrer un hors-série à la laïcité à l’école ?

GERARD BIARD. Parce que l’école, c’est le commencement de tout. C’est le premier endroit où un enfant se confronte à la vie en communauté. Or, la laïcité en fait partie. A chaque attentat, on parle de déradicalisation. C’est bien. Mais c’est mieux si on s’interroge sur la manière dont on se radicalise. Et là-dessus l’école a un rôle fondamental. Si on refuse d’aborder en classe ce sujet, par peur, par conviction, parce qu’on ne veut pas d’emmerdements, c’est gravissime.

A-t-on mal enseigné la laïcité aux enfants ?

Je pense qu’on ne l’a pas enseignée du tout. On ne leur a pas expliqué que la laïcité est une liberté. La laïcité permet, elle autorise ! C’est la religion qui interdit. Depuis l’affaire Merah, un travail est fait, à travers une charte et les programmes d’éducation morale et civique (EMC). Mais il vient un peu tard.

Que vous ont appris les témoignages ?

On ne pensait pas qu’on en était arrivés à ce point-là. Le problème touche toute sorte d’établissements, et pas seulement les enfants de culture musulmane. Il n’est plus possible de parler sereinement de ce qui est pourtant un principe constitutionnel. Une chose est très révélatrice et pas rassurante : nous avons pris soin que les professeurs soient le moins identifiables possible. Pour une grande majorité, cet anonymat était primordial, jusqu’à déclencher pour certains une sorte de panique, comme s’ils témoignaient contre la mafia…

Beaucoup décrivent un malaise, voire un tabou de l’institution sur ce qui peut susciter des réactions liées aux religions…

Les professeurs nous expliquent très bien qu’ils doivent se justifier d’aborder la laïcité, auprès des parents, des collègues, de la hiérarchie. C’est dramatique. Ceux qui livrent les choses les plus cauchemardesques sont les profs de SVT. L’un raconte que des élèves lui soutiennent que les premiers hommes faisaient 3 m de haut. On a envie de rire, sauf que ce n’est pas drôle. Parce qu’à la fin du cours, l’élève n’en démordra pas : on descend de géants fabriqués dans la glaise.

Peut-on recoller les morceaux ?

Je ne sais pas. Je pense qu’il y a une génération d’ados foutue. Mais ne renonçons pas à la suivante ! C’est là que tout va se jouer. Les jeunes ne sont pas plus bêtes que les autres. Quand on leur parle avec des arguments clairs et sensés, ça fonctionne. L’institution peut mettre en place des plans, le ministre peut faire des déclarations, mais le travail se fait sur le terrain, avec les professeurs et les personnels, dans les établissements. Le problème est que je ne décèle pas de grand sursaut."

Lire "Laïcité à l’école : « Il y a une génération d’ados foutue », déplore Charlie Hebdo".

[1« Profs, les sacrifiés de la laïcité », hors série avril-mai de Charlie Hebdo. 6 euros.



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