18 mai 2014
"Deux faits divers récents, l’un à Lille, l’autre à Paris, viennent de se télescoper. Et ils nous interrogent. Qu’est-ce que la lâcheté ? Qu’est-ce que l’héroïsme ? Deux notions que certains médias ont aujourd’hui bien du mal à cerner, ignorant la réalité de l’insécurité vécue au quotidien.
On se souvient du barouf, il y a une dizaine de jours, autour de ce fait divers pénible d’une jeune femme suivie et harcelée sexuellement dans le métro de Lille par un jeune aviné, effondrée de constater que personne, sur le quai ou dans la rame, ne lui ait porté secours avant que, dehors un automobiliste ne finisse par la protéger. Ce fut, des réseaux sociaux aux journaux, en passant par les plateaux télé et radio, l’occasion de grands réquisitoires indignés sur le thème de la honteuse honte des lâches. Libération fut de la meute donneuse de leçon d’héroïsme en consacrant pas moins de deux pleines pages à « cette lâcheté ordinaire ».
Beaucoup de ces procureurs, dont certains ne prennent certainement jamais les transports en commun de banlieue en fin de soirée, ne se sont même pas donnés la peine d’évoquer le contexte et les circonstances de cette agression, préférant invoquer, avec des trémolos dans la voix, l’article 223-6 du Code pénal qui réprime de 5 ans de prison et 75 000 euros d’amendes la non-assistance à personne en danger.
[...] Si les « lâches » qui étaient présents ont compris ce qui se passait, on peut sans aucun doute pénalement leur reprocher de ne pas avoir alerté la police par téléphone portable ou interphone local. Mais la notion de non-assistance à personne en danger n’est pas aussi facile à invoquer à leur encontre qu’on le fit sur les plateaux télés. Il n’y a en effet pénalement obligation d’intervenir que s’il n’y a pas de « risque pour soi-même de se mettre en danger », l’obligation étant, dans le cas contraire, de « provoquer un secours ». Or il se trouve que beaucoup d’usagers des transports en commun ont en mémoire ces faits divers réguliers - que l’on apprend plutôt dans les pages du Parisien que dans celles de Libération - avec ce nombre non négligeable de victimes tuées ou grièvement blessées d’un coup de couteau ou d’un tesson de bouteille, pour une cigarette refusée, un regard échangé, une remarque insupportée. Accepter de prendre un risque vital est grand et héroïque – c’est la définition du héros : faire de grandes choses en prenant des risques mortels – mais ce n’est pas une obligation pénale.
Des héros dont Libé ne parle pas
Mais le paradoxe, c’est que des héros, il y en a, mais ils intéressent moins les indignés de la « lâcheté ordinaire ». Et justement, quelques jours après le fait divers négatif de Lille, un fait divers positif nous offrait un vrai héros : Walid, un chef de chantier d’origine égyptienne de 47 ans, qui est venu au secours d’une femme agressée par deux hommes qui voulaient lui dérober son sac, Porte d’Ivry, dans le 13ème arrondissement de Paris. [...]
Sa femme l’a engueulé pour avoir joué au héros en prenant de tels des risques et son fils lui a dit qu’il avait fait une « bêtise ». Pour faire plaisir à Libération ? Même pas. Le quotidien a consacré une brève de 9 lignes à ce héros dont il regrettait quelques jours auparavant qu’il ne s’en trouva point dans le populo lillois ordinaire anesthésié par sa « lâcheté ordinaire ». Libération semble plus empressé de faire écho à cette « lâcheté », qu’il ne comprend pas, venant de ceux qui sont livrés à l’insécurité, qu’à l’héroïsme de ceux qui ont encore la folie d’y résister."
Comité Laïcité République
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