par Gérard Durand. 28 octobre 2021
[Les échos "Culture" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
La voix d’Aïda, de Jasmila Zbanic (1 h 44), avec Jasna Duricic, Izudin Bajnovic. Sorti le 22 sept. 21.
« Srebenica, juillet 1995. Modeste professeure d’anglais, Aida vient d’être réquisitionnée comme interprète auprès des casques bleus stationnés aux abords de la ville. Leur camp est débordé, les habitants viennent y chercher refuge par milliers, terrorisés par l’arrivée imminente de l’armée serbe. Chargée de traduire les consignes et de rassurer la foule, Aïda est bientôt gagnée par la certitude que le pire est inévitable. Elle décide alors de tout tenter pour sauver son mari et ses deux fils, coincés derrière les grilles du camp ».
Ce résumé de presse ne peut mieux traduire la situation décrite par ce film. Combien de fois avons-nous entendu, après les atrocités de la Seconde guerre mondiale, le « plus jamais ça » ? Eh bien, la guerre de Bosnie nous démontre, et elle n’est pas la seule, que, non seulement le « ça » est possible mais qu’il peut être vu sur nos écrans de télé, presque en direct. Les camps de prisonniers filmés par des reporters en quête de « scoop » pour le 20 heures, ou des politiques en quête de notoriété nous les décrivent en détails. Tout juste s’ils ne regrettent pas de ne pouvoir assister aux massacres et nous les montrer en direct.
Alors, que faisons-nous pour éviter cela ?
La réponse est simple : rien. Le film va nous plonger dans l‘horreur du massacre des Bosniaques par les Serbes, devant des organisations qui regardent se jouer l‘extermination les bras ballants. Pire encore, ces mêmes Casques bleus ont promis aux Bosniaques de les protéger et les ont incités à rester sur place alors que beaucoup auraient pu fuir la veille de l’arrivée des assassins.
Le film se déroule comme un thriller. Avec une actrice principale exceptionnelle qui, dans son rôle de mère de famille, permet de vivre de l’intérieur la brutalité des évènements, avec des Casques bleus dépassés et impuissants, des militaires serbes fanatisés et la population en attente du pire. L’horreur nous est montrée avec une absence totale de pathos, la mise en scène touche à la perfection et la justesse des comédiens font de ce film sans doute le meilleur jamais réalisé sur un fait de guerre.
D’autres meurtres, d’autres massacres ont eu lieu en cette fin de XXIe siècle, au Cambodge, au Botswana, sans que les puissances occidentales ne bougent le petit doigt. Elles se sont satisfaites d’inventer des tribunaux pour juger les criminels de guerre, souvent longtemps après, pour se donner bonne conscience.
Un film à ne pas rater.
Gérard Durand
Comité Laïcité République
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