27 octobre 2014
"Le parti laïque Nidaa Tounes (l’Appel pour la Tunisie) l’a emporté sur les islamistes d’Ennahda aux élections législatives. Les Frères musulmans tunisiens paient leur échec social et leur compromission avec les groupes salafistes violents.
Oui, un peuple arabe peut dire non aux islamistes, dans les urnes et sans les armes. C’est l’extraordinaire leçon que la Tunisie vient de donner aux... donneurs de leçons.
Le grand parti laïque Nidaa Tounes, héritier des valeurs de Habib Bourguiba, devance largement les Frères musulmans du parti Ennahda aux législatives. Selon les dernières estimations, Nidaa Tounes obtiendrait 38 % des voix contre 31,8 % à Ennahda avec un taux de participation de 61,8 %.
Les deux partis qui ont gouverné avec les islamistes, le CPR du président tunisien Moncef Marzouki, et Ettakatol, le parti du président de l’Assemblée nationale, Mustapha Ben Jaafar, sont balayés.
Le Front populaire, la formation d’extrême gauche qui a vu deux de ses leaders assassinés en 2013, Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, obtiendrait davantage de voix que les ex-partis de gouvernement. Plusieurs nouvelles formations « progressistes », comme Afek Tounes, apparaissent aussi sur la scène politique.
Même si ces chiffres doivent être précisés et affinés dans les heures qui viennent, inutile de tourner autour du pot : la Tunisie a trop souffert avec les islamistes pour les reconduire au pouvoir. Ce pays n’est pas masochiste. Il a tenté l’expérience voici exactement trois ans, lors des élections du 23 octobre 2011 : les islamistes faisaient alors figure de martyrs après la chute de Ben Ali. Or les « martyrs » se sont révélés non seulement incapables de gouverner un pays - la Tunisie est descendue socialement et économiquement en enfer - mais les Frères musulmans se sont transformés à leur tour en agents de la répression religieuse et sectaire.
Pourtant, les Tunisiennes et Tunisiens qui subissaient les assauts salafistes, les attaques des pseudo « comités de protection de la révolution », en réalité des milices parallèles, ont dû se coltiner les commentaires lénifiants de la bien-pensance médiatique parisienne sur la « modération » d’Ennahda. Le plus fort, c’est qu’à encore quelques instants du scrutin, les mêmes commentateurs très mal éclairés en remettaient une couche sur les très gentils islamistes qui n’arrêtaient pas de changer suavement !
La victoire de Nidaa Tounes ? « Hum... des gens de l’ancien régime, non ? » On zappait ainsi la pléiade de personnalités de gauche, d’intellectuels brillantissimes, parfois ex-communistes, qui avaient rejoint la formation du vieux Béji Caïd Essebsi, l’un des héritiers de Bourguiba, et Premier ministre de transition au lendemain de la révolution du 14 janvier 2011.
Le philosophe Abdelwahhab Meddeb, l’écrivain Hamadi Redissi, lui-même violemment agressé par les gangs islamistes, avec le journaliste Zyed Krichen, alors qu’Ennahda était au pouvoir, clamaient haut et fort la nécessité de chasser l’obscurantisme qui faisait le malheur de la claire Tunisie. « Je vote Nidaa Tounes pour retrouver l’air frais de la liberté et nous éloigner de l’étouffement que procure la colonisation des âmes » écrivait Meddeb le 5 octobre. Redissi, à quelques heures du jour J, suppliait ses concitoyens de ne pas avoir la mémoire courte et de voter utile en renonçant aux « fausses neutralités et aux discussions byzantines ». Ils ont été entendus. Mais même ceux qui ne les ont jamais entendus et qui ne les connaissent pas, dans les allées sombres du désespoir social, ont voté de la même façon !
Non, les islamistes ne peuvent pas faire croire ce qu’ils veulent aux pauvres et aux abandonnés. Au fait, leurs mécènes ne sont-ils pas les riches bourgeois du Golfe, les exploiteurs et les esclavagistes du Qatar, les banquiers secrets du monstrueux Etat islamique ?
[...] Tout cela - des hôtels désertés au jasmin ensanglanté et aux rêves assassinés - les Frères musulmans tunisiens viennent de le payer. Bon vent ! Et maintenant, la Tunisie doit revivre. Il faut l’aider."
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales