Edito

La tentation concordataire, un phénomène récurrent (M. Seelig)

par Michel Seelig, président du Cercle Jean-Macé (Metz), membre du Conseil d’administration du CLR. 2 décembre 2021

Imiter Bonaparte qui signait le Concordat, ce traité avec le Vatican, « tant pour le bien de la religion que pour le maintien de la tranquillité intérieure » [1], est bien la tentation de nombreux ministres de l’Intérieur depuis de nombreuses années.

Il n’est plus nécessaire d’instrumentaliser le clergé catholique pour contrôler les campagnes, mais certains rêvent toujours d’en faire autant avec les imams pour maintenir l’ordre dans certains territoires.

Une initiative du député alsacien Sylvain Waserman vise à démontrer l’intérêt d’une telle politique en prenant pour exemple un quartier “sensible” de Strasbourg, la Meinau. L’application du Concordat participerait à la pacification des relations entre “communautés” puisqu’il permettrait un excellent “dialogue interreligieux”. Il a organisé une rencontre sur ce thème au sein de l’Assemblée, pour vanter « l’exemple inspirant de la Meinau ».

Il convient de rappeler quelques faits incontestables :

  • Le Concordat aujourd’hui (et les textes comparables pour les protestants et les juifs) n’a aujourd’hui qu’une seule application pratique, l’inscription de près de 60 millions d’euros au budget de la Nation pour rémunérer les ministres des cultes. Plus aucun “contrôle” de l’expression de ces ministres n’est aujourd’hui effectuée.
  • À l’évidence, le “dialogue interreligieux” n’est pas amélioré du fait que les ministres de certains cultes sont rémunérés et d’autres non
  • La laïcité qui permet liberté de conscience et de culte est aussi séparation entre les cultes et la puissance publique (tant nationalement que localement). Ce n’est donc aucunement à l’État de favoriser un “dialogue” entre les cultes, qui ont toute liberté pour le réaliser.

Cette initiative d’un élu alsacien est caractéristique du maintien (et de l’exploitation par certains) d’un fort sentiment identitaire. Le site de l’Institut du Droit Local le montre clairement, on peut y lire que « « Le droit local est ainsi devenu un élément du paysage alsacien, un marqueur de l’identité de la région, un aspect de l’épopée alsacienne dans laquelle se retrouvent tous les alsaciens de cœur. On veut garder le concordat ou les corporations parce que c’est à nous et qu’on ne supporte pas que Paris nous dise que ce n’est pas bien. […] Le droit local devient ainsi un moment de revanche à l’égard de l’intérieur »

On ne peut que déplorer le fait que, depuis des décennies, les gouvernements successifs n’ont jamais pris le risque de heurter un sentiment qu’ils ont estimé très majoritaire. Les débats récents sur la loi “Séparatisme” l’ont montré ! Certains ont mêmes laissé apparaître leur tentation d’étendre « l’exemple inspirant » alsacien au pays tout entier Or, la désaffection rapide de l’enseignement religieux à l’École publique et un récent sondage démontrent qu’une majorité d’Alsaciens (et de Mosellans) sont désormais pour l’abolition du Concordat et des pratiques qui lui sont liées.

Il convient donc de dénoncer la petite manœuvre politicienne d’un élu alsacien, mais plus encore de rappeler avec vigueur la nécessité de supprimer les régimes dérogatoires des cultes, en Alsace et Moselle, mais aussi en Guyane, à Mayotte et les collectivités ultramarines.

Michel Seelig

[1Préambule du Concordat de 1801.


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