Revue de presse

"La presse américaine secouée par les polémiques sur ses pages « opinions »" (lesechos.fr , 30 juil. 20)

16 août 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Près de 300 journalistes du « Wall Street Journal » demandent une séparation plus claire des articles et des points de vue au sein du quotidien. Le « New York Times » et plusieurs titres sont en proie à des débats et des démissions autour de la place des idées dans leurs journaux.

Par Véronique Le Billon

Certains des plus grands médias américains sont en proie depuis quelques mois à une forme de bataille rangée autour de la place du débat d’idées dans leurs colonnes. Un débat que la proximité de l’élection présidentielle ou les tensions autour du mouvement Black Lives Matter n’ont fait qu’attiser. La vague de critiques internes s’étend ainsi désormais au « Wall Street Journal ». Dans une lettre adressée à l’éditeur du quotidien des affaires, Almar Latour, 280 journalistes du « Journal » viennent ainsi de faire part de leur inconfort avec certaines tribunes et opinions publiées par le quotidien.

« En tant que journalistes et partisans du premier amendement [affirmant notamment la liberté d’expression et la liberté de la presse, NDLR], nous connaissons la valeur d’une section ’opinions’ dans la diffusion des informations. Cependant, le manque de vérification des faits et de transparence de la rubrique ’opinions’ et son apparente indifférence aux preuves sapent la confiance de nos lecteurs et notre capacité à gagner en crédibilité auprès des sources », écrivent les signataires de ce courrier, dévoilé par le « New York Times ».

This week, The Wall Street Journal reported that nearly 300 WSJ staffers signed a letter to the publisher pointing out flaws and errors in Opinion articles and asking for changes. https://t.co/TFOX3KdzOR

Below : The letter in full. pic.twitter.com/v6hZvDcXl3

— marc tracy (@marcatracy) July 23, 2020

Pour y remédier, les journalistes proposent de séparer plus nettement les rubriques proposant les points de vue des articles strictement journalistiques, de rappeler plus clairement que les pages « opinions » sont indépendantes de la rédaction, et demandent à ne pas être « réprimandés » lorsqu’ils pointent les erreurs factuelles des contributions extérieures dans leurs articles.

Si les journalistes du « Wall Street Journal » ne contestent pas le principe de la diversité des points de vue, le mouvement fait écho à d’autres critiques dans les rédactions américaines. Au « New York Times », le rédacteur en chef des pages « opinions », James Bennett, a dû démissionner sous la pression de lecteurs et de la rédaction début juin. Il avait laissé publier une tribune d’un sénateur de l’Arkansas, titrée « Envoyez les troupes », suite aux manifestations consécutives à la mort de l’Afro-Américain George Floyd aux mains de la police. Un responsable du « Philadelphia Inquirer » a connu le même sort après la publication d’un point de vue titré « Les bâtiments comptent aussi » - en référence au mouvement Black Lives Matter.

En réaction, la semaine dernière, une journaliste des pages « opinions » du quotidien new-yorkais, recrutée il y a quatre ans pour élargir la palette des points de vue après l’élection surprise de Donald Trump en 2016, a également démissionné en estimant que le quotidien, ouvertement pro-démocrate, n’était en fait pas ouvert au débat. « Un nouveau consensus s’est dégagé dans la presse, mais peut-être surtout dans ce journal, a dénoncé Bari Weiss. La vérité n’est pas un processus de découverte collective, mais une orthodoxie déjà connue d’une poignée d’éclairés dont le travail consiste à informer tous les autres. »

Mi-juillet, un chroniqueur influent et conservateur du « New York Magazine » a également annoncé sa démission , visiblement souhaitée par une partie de la rédaction. Tout auteur « qui n’est pas activement engagé dans une théorie critique sur les questions de race, de genre, d’orientation sexuelle et d’identité de genre, porte activement préjudice à ses collègues de travail simplement en existant dans le même espace virtuel », a-t-il conclu à regret.

Dans une « note aux lecteurs » , le comité éditorial du « Wall Street Journal » a répondu sèchement aux critiques des journalistes, estimant que « leurs angoisses ne sont pas de notre ressort ». « Il était probablement inévitable que la vague de culture de la dénonciation [« cancel culture »] arrive au ’Journal’, comme elle l’a fait dans presque toutes les autres institutions culturelles, commerciales, universitaires et journalistiques. Mais nous ne sommes pas le ’New York Times’ », écrit le comité.

Véronique Le Billon (Bureau de New York)"

Lire "La presse américaine secouée par les polémiques sur ses pages « opinions »".


Voir aussi les rubriques New York Times, Médias, Etats-Unis : "politiquement correct" (note du CLR).


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