Contribution

La Laïcité, meilleure arme contre le racisme (S. Mayol)

Samuel Mayol, directeur de l’IUT de Paris XIII à Saint-Denis, Prix national de la Laïcité 2015. 27 novembre 2021

Le sujet de la laïcité dans notre pays fait référence à notre conscience collective. Il est le ciment de notre cohésion nationale et de notre capacité à vivre ensemble et à nous unir sur l’essentiel.

La laïcité est en effet inscrite dans nos traditions depuis la Révolution et est au cœur de notre République. C’est précisément le fait que la laïcité ait été un long processus au cours de notre Histoire que ce principe est désormais profondément ancré dans nos valeurs collectives.

Force est de constater que l’unité de notre pays a été un travail de longue haleine, depuis les origines de la monarchie jusqu’aux événements tragiques du XXe et XXIe siècle.

Alors que la religion s’est confondue avec la monarchie et les affaires de l’État, la liberté religieuse et la séparation des Églises et de l’État se sont peu à peu imposés entre l’Édit de Nantes et la loi de 1905.

De l’abolition des privilèges, la nuit du 4 août 1789, à celle de l’esclavage le 27 avril 1848, la République a affirmé avec force sa volonté de mettre en place l’égalité et la justice sociale.

Les droits de l’homme et du citoyen ont été progressivement conquis, consolidés, approfondis, depuis la déclaration de 1789 jusqu’à leur inscription dans le préambule de la Constitution de 1946, puis celle de 1958.

Cette laïcisation de la société s’est imposée progressivement jusqu’à devenir une particularité de notre pays. La société tout entière s’est imprégnée de cette laïcisation qui était totalement consubstantielle du combat pour la République.

Et ce qu’il faut bien comprendre, c’est que c’est une formidable volonté d’égalité des droits qui a motivé les révolutionnaires et les républicains à aboutir à la laïcité. Avec un Etat laïque, tout citoyen est reconnu de façon totalement égalitaire à un autre. Il jouit des mêmes droits et peut bénéficier de la même liberté de conscience. Quelle que soit sa croyance ou sa conviction, il peut bénéficier des mêmes droits et de la même considération de la République.

Ce combat s’est menée en même temps que celui de la République, qui a bien eu du mal à se stabiliser au cours de ce XIXe siècle. Entre le retour de la monarchie et l’arrivée de l’Empire, la jeune République française s’est imposée grâce à sa volonté farouche d’imposer l’égalité stricte entre les citoyens.

Mais la séparation a eu une double vertu

  • Celle de donner à l’Etat des prérogatives qu’il n’avait jamais eu. C’est notamment ce qui s’est passé lorsque les missions d’état civil ont été transférées du clergé aux mairies. Cette séparation vise donc à transférer un pouvoir politique jusque-là accordé à l’Eglise vers l’État.
  • Celle d’établir une égalité parfaite entre les citoyens en en reconnaissant aucun supérieur à l’autre. C’est comme cela que la France ne reconnaît plus qu’une communauté, la communauté nationale, et refuse d’accepter l’idée qu’une religion serait supérieure en droit à une autre. Ce combat pour la laïcité est donc un combat pour l’égalité et contre toute forme de discrimination

C’est l’affirmation d’une démocratie où chaque citoyen jouit des mêmes droits que les autres et où l’égalité sociale devient une réalité. C’est en ce sens qu’on peut affirmer que la meilleure arme pour lutter, aujourd’hui, contre le racisme est d’affirmer voire de renforcer la laïcité.

C’est donc progressivement que nos valeurs se sont peu à peu imposées comme une évidence : la liberté du citoyen d’aller et de venir, de vivre ici ou là, de croire ou de ne pas croire, de pratiquer une religion, de ne pas en pratiquer ou d’en changer, mais également la liberté de penser, de manifester, de s’exprimer, de se révolter.

L’égalité entre tous, enfants, femmes, hommes à travers des lois garantissent désormais un certain nombre de droits universels.

Cette égalité, fondée sur l’abolition des races, de l’esclavage et des privilèges a organisé notre pays autour d’un principe fondamental : la République est une et indivisible. Il n’y a donc pas de caste, de classes sociales ou je ne sais quelle autre classification.

Promouvoir la laïcité et combattre le racisme sont donc les deux versants d’un même combat : celui de la lutte universelle pour les droits humains. Réduire la laïcité à une simple tolérance de coexistence des religions ne permet pas de mener à bien cette ambition, celle de construire une société égalitaire au sein de laquelle le racisme n’aurait pas sa place.

Et c’est précisément parce que la laïcité permet de lutter farouchement contre le racisme que ce mot n’a rien à faire dans le discours haineux de l’extrême droite

Avec la laïcité, la République reconnaît à tous les citoyens les mêmes droits et leur confère les mêmes devoirs.

Les principes de la République n’ont pas à être accommodés et encore moins négociés avec telle ou telle communauté. La laïcité n’as pas à rougir de s’appliquer à tous de la même façon. C’est sa fierté de traiter tous ses enfants en égaux.

Pour cela nous devons assurer effectivement le même respect la même considération à toutes les grandes familles spirituelles.

Être laïque aujourd’hui c’est être dans la ligne droite des valeurs de la République à savoir être universaliste, féministe et antiraciste.

Défendre la laïcité, c’est défendre un modèle démocratique et universaliste.

Tout comme la démocratie ou la République, la laïcité est un combat. Toutes les trois sont fragiles et méritent d’être l’objet de toutes nos attentions à chaque instant.

Toute organisation qui ne prend pas à son compte ces valeurs et surtout qui ne les porte pas au plus haut dans son projet politique ne peut se prétendre ni laïque ni républicaine. C’est résolument le cas de l’extrême droite dont le projet est aux antipodes de ces valeurs. Hébergeant en ses rangs des personnalités racistes, xénophobes, antisémites, misogynes, homophobes et intégristes, l’extrême droite est en totale opposition avec les valeurs de la République.

La République du Rassemblement National est une République inégalitaire ou certains citoyens auront plus de droits que d’autres, ou certaines religions auront plus de droits que d’autres.

C’est la fin de l’universalisme français, c’est la fin de l’égalité française, c’est la fin de la laïcité et de l’héritage des Lumières et de la Révolution.

Il est désormais urgent désormais de poursuivre le processus pour une société égalitaire et d’accorder des nouveaux droits à nos concitoyens tout en renforçant le pacte laïque et la séparation du religieux du politique.

En même temps, la laïcité doit être renforcée et doit enfin être constitutionnalisée. Le Concordat doit prendre fin en Alsace Moselle. Ces trois départements doivent désormais rejoindre, sur ce sujet, la communauté nationale.

La défense de la laïcité est un combat national que chaque français devrait prendre en charge. C’est un pilier fondamental de notre démocratie.

Le racisme n’est pas un point de vue mais un délit qui doit être réprimé et de la façon la plus ferme possible. Et c’est grâce à une laïcité unissant le peuple sur des droits identiques pour tous que nous réussirons à mener ce combat.

Samuel Mayol


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