par Jean-Pierre Sakoun, Président exécutif du Comité Laïcité République. 21 septembre 2016
« Il faut réarmer intellectuellement la laïcité. (...) Son contenu est en fait très précis : le refus de toute loi d’ordre religieux. Vous croyez ce que vous voulez, mais la société n’admet pour règle que celle définie en raison entre les citoyens. L’argument du "c’est leur droit !" est invalide parce que les droits en question ne s’entendent qu’à l’intérieur d’une communauté politique qui a au préalable exclu le principe d’une loi religieuse. »
Marcel Gauchet (Causeur, sept. 2016).
Depuis des années, les multiculturalistes, les laïques à adjectif, les islamistes et autres intégristes de tout poil et de toutes soutanes, tentent de nous enfermer dans une lecture littéraliste de la laïcité, qui ne serait que l’application millimétrée de la loi de 1905 par l’Etat à ses propres services, et encore, d’une manière particulièrement restrictive (voir le laxisme concernant les mères voilées accompagnant dans un rôle d’auxiliaires scolaires les sorties des élèves).
Cette tactique est la solution la plus efficace pour tuer la laïcité.
D’une part, elle oblige tous ceux qui se laissent ainsi coincer par cette approche, à légiférer à tort et à travers, pour faire admettre la moindre avancée laïque, grippant ainsi le système, puisque la moindre modification, revendication, aussi futile soit-elle doit donner lieu à loi, arrêté, circulaire, édit, règlement. Tout est ainsi paralysé par les opposants qui ont alors beau jeu de se réclamer de la loi de 1905…
D’autre part, elle fait comme si la société française n’était pas laïque mais constituée de la somme des libertés individuelles de chacun, poussées à l’extrême.
En quelque sorte, les antilaïques juxtaposent un appareil d’Etat issu des Lumières françaises à une société anglo-saxonne, bien persuadés que ce dispositif permettra de liquider à terme la laïcité.
La laïcité ne concernerait donc que l’Etat républicain, pas la société française. Elle ne serait qu’une norme juridique et pas une valeur partagée et assimilée par la société, elle-même laïque. Elle ne serait pas, alors que c’est évidemment et éminemment le cas, un habitus, un mode de pensée, une norme sociale.
Ces dangereux adversaires s’appuient sur les droits et libertés de la personne pour créer dans une société qu’ils vident de sa laïcité, des groupes de pression communautaristes destinés à limiter… les droits et libertés de la personne…
Nous devons absolument combattre l’aggiornamento consistant à accepter que « la laïcité c’est l’Etat, la société, c’est autre chose ».
La société française est bien laïque, comme la France même. Si nous succombons au raisonnement « séparatiste » des antilaïques, nous ne tarderons pas à constater le réencadrement de la société par la religion…
Rappelons enfin deux phrases essentielles :
Cette phrase signifie bien que c’est la France qui est laïque, pas l’Etat. Elle signifie en outre, qu’une fois posés les principes essentiels de la première et de la seconde phrase, elle consent, dans la troisième phrase, à respecter les croyances, DANS LE CADRE qu’elle a fixé, celui des deux phrases précédentes.
Ce n’est QUE parce que la première phrase dispose que la liberté de conscience est assurée que la seconde est écrite.
Vous entendrez souvent nos amis les laïques adjectivés prononcer ces phrases avec d’étranges accents, remplaçant par exemple le point qui sépare les deux phrases de l’article premier de la loi de séparation par un « et », qui soudain viendrait mettre sur le même plan la liberté de conscience et les cultes, comme si la première n’était qu’une variante athée des seconds…
Le diable est dans les détails. La laïcité n’est pas que légale, elle est intrinsèque à la société française.
Jean-Pierre Sakoun
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
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