Revue de presse

"La Hongrie refait le coup de l’"art dégénéré"" (Le Monde, 20 déc. 12)

22 décembre 2012

"La démission, fin novembre, de Gabor Gulyas, le directeur du Mücsarnok (Kunsthalle) de Budapest, est le signe le plus manifeste de cette fronde. Celle, mi-décembre, de Zoltan Rockenbauer, rédacteur en chef des services culturels de la holding, coiffant l’information publique, la MTVA, en est un autre. M. Rockenbauer, qui voulait ainsi protester contre une nouvelle vague de licenciements dans son secteur, avait été, de 2000 à 2002, ministre de la culture du premier cabinet de M. Orban.

Nommé par l’actuel gouvernement, Gabor Gulyas n’a rien non plus d’un gauchiste. Il avait auparavant dirigé le Centre d’art contemporain de Debrecen, un bastion du Fidesz, le parti au pouvoir. Il fut pourtant, en 2010, l’un des rares intellectuels de ce bord à se désolidariser de la campagne lancée contre les philosophes des Archives Lukacs accusés sans preuves solides de détournement de fonds publics.

Mais c’est une récente exposition du Mücsarnok, "Mi a magyar ?" ("Qu’est-ce qu’être hongrois ?"), qui a provoqué la rupture. M. Fekete la juge "répugnante" et confinant au "blasphème antinational", les artistes ayant ironisé sur le culte excessif de la patrie.

L’ex-directeur, M. Gulyas, n’a pas apprécié que le Mücsarnok passe, le 1er janvier 2013, sous la tutelle de la MMA. Fondée à titre privé, en 1992, par des artistes et intellectuels conservateurs, notamment l’architecte, aujourd’hui décédé, Imre Makovecz, et forte de quelque 200 membres, cette Académie hongroise des arts a désormais un statut d’intérêt public, ancré dans la nouvelle Constitution. Un privilège sur lequel aucun gouvernement ne peut revenir sans une majorité des deux tiers. [...]

Or, à en croire M. Fekete, ce cercle aura désormais la haute main sur les nominations à la tête des institutions culturelles, les attributions budgétaires et les bourses accordées aux artistes.

Dans le quotidien allemand Die Welt, le chef d’orchestre hongrois Adam Fischer, qui a démissionné en 2010, de son poste de directeur musical de l’Opéra de Budapest, s’émeut des déclarations de György Fekete à l’hebdomadaire d’extrême droite Demokrata. Ce dernier a désavoué le manque de patriotisme de ceux qui osent critiquer le gouvernement.

Il visait en particulier le Prix Nobel de littérature Imre Kertész ou encore l’écrivain György Konrad, lui aussi d’origine juive : "Nous devons supposer qu’à l’étranger même György Konrad est considéré comme hongrois, quoi qu’il puisse dire [contre son pays]", s’indignait le président de la MMA. Pour M. Fischer, il s’agit d’un "langage antisémite codé", selon lequel les juifs ne seront jamais d’authentiques Hongrois.

Viktor Orban a d’ailleurs repris inconsciemment ces codes. En effet, pour se démarquer des déclarations d’un député d’extrême droite qui avait appelé en plein Parlement, fin novembre, à établir des "listes des députés juifs" (censés poser un problème de sécurité nationale à cause de leur allégeance à Israël), le premier ministre a déclaré : "Nous les Hongrois, allons défendre les juifs."

Dans un entretien enregistré en vidéo par le site Index.hu, M. Fekete est catégorique : pour appartenir à la MMA, il ne faut pas "voyager à l’étranger et y diffamer sa patrie", déclare-t-il. Plus question de montrer des expositions critiques comme celle de la Kunsthalle de Budapest, qu’il faut "rendre aux artistes hongrois". On bannira aussi des institutions publiques toute offense à l’Eglise, puisque le régime Orban se réclame d’une "Hongrie fondée sur la tradition chrétienne". [...]"

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