par Gérard Durand. 6 novembre 2021
[Les échos "Culture" sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
La fracture, de Catherine Corsini (1 h 38), avec Valeria Bruni Tedeschi, Marina Foïs, Pio Marmai. Sorti le 27 oct. 21.
Aissatou Diallo Sagna, César de la meilleure actrice dans un second rôle [1].
Ce film est un faux reportage, une reconstitution de ce qu’a pu être l’ambiance d’un service d’urgence dans un hôpital parisien au moment des grandes manifestations de Gilets jaunes.
La grande qualité des acteurs accompagnée par des extraits de reportages en fait presque un film à suspense tant on se demande quel va être le sort de ces gens entassés dans des locaux trop étroits, pour cette foule, tenue d’attendre des heures des soins qu’un personnel insuffisant ne peut que prioriser en fonction de la gravité des blessures et non dans l’ordre d’arrivée.
Là se trouve le point crucial. Car chacun considère naturellement son cas comme prioritaire. Catherine Corsini embrasse cette situation en nous offrant une belle galerie de portraits.
Il y a ce couple de bourgeoises lesbiennes au bord de la rupture, dont l’une (Valerie Bruni Tedeschi) se brise un bras en tentant de rattraper l’autre (Marina Foïs) qui fuit leurs querelles incessantes. Rien à voir avec les manifestants, mais même traitement aux urgences. Il faut attendre, encore et encore. L’interne, le médecin, la radio et enfin les soins. Amères réflexions de classe, crises d’hystérie de Valérie Bruni Tedeschi - dont les mauvaises langues disent qu’elle n’a pas eu à se forcer -, allers et venues de sa compagne qui ne sait plus ou elle en est. Du plus vrai que vrai.
Il y a ce chauffeur routier (Pio Marmaï), un vrai prolo qui doit côtoyer les deux autres et entamer un dialogue de plus en plus amer. Mais son obsession n’est pas là. Il est venu manifester sur son temps de repos. Il craint qu’en restant bloqué à l’hôpital, il ne pourra assumer les livraisons prévues. Il risque de perdre son emploi. Ce qui le pousse à nier l’évidence de ses blessures.
Et puis il y a l’infirmière (Aïssatou Diallo Sagna, absolument géniale), qui symbolise l’ensemble des soignants dont on imagine le quotidien.
Sixième nuit consécutive de garde, quand le règlement exige de ne pas dépasser trois. Malades - relevant parfois de la psychiatrie -, qu’il faut accueillir et calmer. Blessés, parfois agressifs, qu’il faut faire patienter. Manque de médicaments après épuisement des stocks et impossibilité d’en recevoir d‘autres, car, en raison de la violence extérieure, l’hôpital est fermé.
Un hommage à ces équipes aux conditions de travail déplorables qui nous font comprendre pourquoi, dans les cinq ans ayant suivi leurs débuts, un tiers de infirmiers ont quitté le métier.
Un plongeon dans la vie d’un secteur essentiel de notre société.
Gérard Durand
[1] Note du CLR, 26 février 2022.
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