Jack Dion, directeur adjoint de la rédaction de "Marianne". 24 septembre 2017
"[...] Lors de son discours d’Athènes, Emmanuel Macron a convoqué Périclès, Hegel, Malraux et le poète Georges Séféris, pour dessiner un avenir digne des lendemains qui chantent. Certes, dans un pays mis au pas par Bruxelles, le président a parlé d’un « échec de l’Europe », rejoignant ainsi le « scandale démocratique » dénoncé voici peu par le commissaire Pierre Moscovici. Mais cette concession au pragmatisme avait pour but unique de chanter les louanges de la seule souveraineté qui vaille aux yeux du nouvel élu : la « souveraineté européenne », destinée à s’opposer au « souverainisme » honni.
On reste ainsi dans la logique des traités adoptés depuis une vingtaine d’années, tous inspirés par la volonté d’instaurer une souveraineté supérieure, symbolisée par l’UE, à laquelle les Etats devraient transférer leurs prérogatives. Le traité de Maastricht (1992) a donné naissance à la « citoyenneté européenne » censée s’ajouter aux différentes citoyennetés nationales. Tous ceux qui ont suivi ont creusé le même sillon. Mais, de même qu’on ne transforme pas le plomb en or par l’opération du Saint-Esprit, on ne crée pas un peuple ex nihilo, par simple mention sur un parchemin.
Jusqu’à preuve du contraire, un peuple se définit par un passé, une culture, une histoire, une langue, un destin, un ensemble de valeurs et une volonté commune. Bien sûr, les peuples européens sont aptes à coopérer et à forger ensemble une nouvelle histoire - voire une identité partagée -, mais à partir de leurs nations et de leurs Etats respectifs. Telle devrait d’ailleurs être la mission d’une Europe des peuples qui, pour l’heure, demeure fantasmatique. En attendant, il est présomptueux de prédire la naissance imminente d’un « citoyen européen » au sens plein et entier du terme.
A la vérité, cette notion n’est que l’aboutissement ultime d’un ovni bureaucratique utilisé pour enlever encore un peu plus de droits à des citoyens qui en étaient déjà privés dans leurs pays concernés. Faute de construire l’Europe des peuples, on a bâti l’Europe contre les peuples, en instaurant le pouvoir conjoint des oligarques et des eurocrates. Au fil des ans et des traités, les rêves d’une Europe des nations, défendus par le général de Gaulle et d’autres, ont été balayés au profit d’une intégration à la hussarde destinée à faire place nette aux multinationales tout en réduisant les peuples au rôle de spectateurs passifs. L’hymne au marché et le précepte de la « concurrence libre et non faussée » (qui n’est souvent ni l’une ni l’autre) sont devenus les piliers d’une Europe dotée d’institutions non démocratiques qui jouent le rôle de gardiens du temple hors de tout contrôle populaire, exonérées de la validation du suffrage universel.
Aller encore plus loin dans cette voie en prônant un « saut fédéraliste », c’est faire un cadeau en or à tous ceux qui rêvent de voir l’UE exploser en vol. Finalement, l’Europe a deux ennemis : ceux qui ne l’aiment pas et ceux qui l’aiment mal."
Comité Laïcité République
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