Revue de presse

"La "finance islamique" reste peu enseignée" (Le Monde, 16 oct. 14)

15 octobre 2014

"Malgré la création de masters à Strasbourg et à Paris, la matière a du mal à s’imposer.

Ce vendredi 10 octobre, à l’université Paris-Dauphine, 35 étudiants en " executive master " planchent, à la nuit tombée, sur le marché des banques. Comme l’exige le milieu financier, l’élégance est de mise : costume et cravate pour les garçons, tenue raffinée et talons hauts pour les filles. Le sujet de ce master est particulier : " la finance islamique ", c’est-à-dire les dispositifs juridiques permettant de faire des affaires en respectant les règles de l’islam qui, par exemple, bannissent toute idée d’intérêts et de spéculation.

L’intervenant, Farid Abderrezak, est un spécialiste des crédits sophistiqués chez BNP Najmah, à Bahreïn, passé maître dans l’art d’exercer son métier malgré ces contraintes : " Attention, prévient-il. La rentabilité reste le premier critère pour les investisseurs, assez peu sensibles à l’argument religieux, sauf en Arabie saoudite. Il faut utiliser la finance islamique à bon escient. " Pour contourner la règle des intérêts telle que pratiquée dans la finance conventionnelle, il existe, par exemple, la technique dite du " mourabaha " : la banque achète le bien puis le revend à son client, par tranches, en intégrant au prix de revente le coût du financement, la notion d’intérêts n’apparaissant pas de façon ostensible.

En cette rentrée, la formation passe à la pratique, puisque les étudiants pourront élaborer des formules d’investissement pour des tours du quartier d’affaires de la Défense et les proposer à des acheteurs du Moyen-Orient, au Qatar, à Dubaï et à Abou Dhabi, où ils se rendront au printemps 2015.

Ce cursus attire des étudiants pour la plupart français mais aussi étrangers, venus du Maghreb, de Mauritanie, du Sénégal, de Côte-d’Ivoire, du Liban… qui déboursent 8 400 euros pour la formation continue, parfois pris en charge par leur entreprise, et 4 200 euros pour la formation initiale.

La finance islamique est une niche dont quelques étudiants, pragmatiques, attendent un emploi. " Finance conventionnelle ou islamique, les marchés sont cycliques, il faut s’adapter ", résume Paul Evin, étudiant à Paris-Dauphine. " C’est une ouverture culturelle ", pour Elliot Tison qui, après un bachelor à l’Essec, a multiplié les stages dans la finance – sans toutefois avoir poussé la curiosité jusqu’à lire le Coran. Asmaa Lady, 27 ans, Française d’origine marocaine, qui est déjà consultante dans la finance, avoue franchement qu’étant " de confession musulmane, cela - lui - permet de concilier - son - métier avec les valeurs de la charia ".

" Les montages peuvent parfois paraître un simple contournement des règles, mais il y a de vrais principes, explique Nadia Molinier, juriste venue suivre cette formation, comme investir dans des actifs tangibles, avec un partage équitable des profits et des risques entre acheteur et vendeur, ne pas financer des activités pornographiques, de vente d’armes, d’alcool, de jeux de hasard… "

Augustin Olivier, étudiant en alternance de 24 ans travaillant dans l’immobilier, argumente : " Il y a une demande en Europe et il n’y a pas de raison que seuls les Luxembourgeois et les Britanniques s’arrogent ce marché. "

C’est à la suite du rapport d’Elyès Jouini, vice-président de l’université Paris-Dauphine, rédigé en 2007 à la demande de Christine Lagarde, alors ministre des finances - qui escomptait attirer quelque 100 milliards d’euros d’investissements en France grâce au développement de la finance islamique - que l’idée de ces masters est née. Elle n’a pas fait florès, puisque seuls trois cursus ont été ouverts, l’un en 2009 à Paris-Dauphine, deux autres à la faculté de droit de Strasbourg - un MBA en 2008 et, en 2013, un master pour une vingtaine d’étudiants triés sur le volet.

" La finance islamique n’a, certes, pas eu en France le développement espéré, mais elle progresse peu à peu avec de nouveaux produits “charia-compatibles”, reconnaît Michel Storck, professeur de droit financier et coresponsable du master à Strasbourg. Nos étudiants trouvent facilement des emplois, notamment au Luxembourg voisin. Nous souhaitons encourager la recherche dans ce domaine et avons déjà trois thésards dont les travaux sont financés par leur pays d’origine. ""

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