Revue de presse

"La banalité du lâche" (Riss, Charlie Hebdo, 14 oct. 20)

15 octobre 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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"Le projet de loi « contre le séparatisme » annoncé par le gouvernement a déjà changé de nom, pour s’appeler projet de loi « visant à renforcer la laïcité et conforter les principes républicains ». Peut-être pour calmer les esprits a-t-on préféré un projet « pour », moins négatif qu’un projet « contre ». À chaque fois qu’on aborde ces questions délicates, on marche sur des œufs, entre la nécessité de lutter contre le communautarisme et celle de ne pas désigner du doigt telle ou telle catégorie de la population.

On nous avait dit, au début du procès des attentats de janvier 2015, quand les avocats des parties civiles voulaient évoquer la sensibilité religieuse des accusés : « Pas maintenant, ce n’est pas le moment d’en parler  ! » Les interrogations quant à leur implication matérielle dans ces assassinats allaient inévitablement amener à se poser la question de leurs motivations religieuses. Comme l’a déjà si bien décrit Yannick Haenel dans ses comptes rendus quotidiens, on assiste à un festival de mensonges, d’esquives et d’ignorance feinte : « Je ne sais pas. J’en ai jamais entendu parler. Je m’en souviens plus… » Tous ces individus, dont certains se sont convertis au point de refuser de serrer la main à une femme, ont la mémoire trouée comme un gruyère quand on leur demande ce qu’ils faisaient la veille du 7 janvier 2015, mais la retrouvent aussitôt pour nous dire qu’Amedy Coulibaly – le bourreau de Montrouge et de l’Hyper Cacher – était un bon copain plutôt sympa.

Le malaise est grand pour une autre raison. Ces mots, ces phrases d’évitement, nous les avions déjà entendus bien avant le procès. Depuis une vingtaine d’années, chaque fois qu’on essayait d’attirer l’attention sur les dérives d’un islam radical, on nous opposait des réponses dignes de celles qu’on entend depuis une semaine dans le box : « Vous exagérez. Faut pas généraliser. Ça n’a rien à voir avec l’islamisme. Vous noircissez le tableau… » Et là, ce n’était pas des petits truands qui s’exprimaient ainsi, mais des élus locaux, des journalistes ou des intellectuels.

C’est vrai qu’il est très difficile de juger le niveau d’investissement spirituel d’un croyant. Prie-t-il un peu  ? Un peu beaucoup  ? Un peu beaucoup trop  ? Un peu fanatiquement  ? Il n’est pas possible de savoir ce que les gens ont vraiment dans la tête ni d’évaluer leur foi tant qu’ils ne commettent pas des actes matériels qui révéleront leur vraie nature. Il est donc facile pour des accusés soupçonnés d’avoir participé à un attentat islamiste, comme pour des élus locaux qui refusent d’admettre les dérives identitaires de certains administrés, de banaliser les choses en affirmant que tout cela est normal.

La lâcheté de beaucoup de responsables politiques confrontés au communautarisme religieux fait écho à celle des accusés de ce procès qui, avec la même fausse ingénuité, aplanissent et banalisent tout au point qu’on finit par se demander si ce n’est pas nous qui sommes paranos et imaginons le mal là où il n’est pas.

Le projet de loi « contre le séparatisme », ou si vous préférez « visant à renforcer la laïcité et conforter les principes républicains », témoigne au moins d’une avancée : acter que nous ne sommes pas si paranos que ça et qu’il existe bien une réalité devenue incontournable, celle d’un empiétement de plus en plus grand de la sphère religieuse, essentiellement d’inspiration islamique, sur l’espace public. On retrouve la même logique que celle du monde de la criminalité, dont le fondement est la contestation de toute loi, de toute règle autre que celles du gang et de la mafia. Beaucoup trop d’élus ont pendant des années fermé les yeux sur les lois de la pègre que les truands imposaient à des quartiers entiers et ont continué de le faire quand des traditions religieuses se sont progressivement installées à leur tour. On est alors profondément gênés d’entendre dans le box des petits truands de Grigny, anciens copains de Coulibaly, prononcer les mêmes phrases pathétiques de maires, de ministres ou d’intellos, honteux d’avoir ouvert les yeux si tard : « On ne pouvait pas savoir. On n’aurait jamais imaginé un truc pareil. On n’y est pour rien. On est vraiment désolés. Et on pense vraiment beaucoup aux familles des victimes. » "

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