Revue de presse

L. Weil-Curiel, A. Sugier : Mondial de foot au Qatar, « La règle de neutralité est devenue un prétexte pour faire taire les critiques » (lemonde.fr , 19 nov. 22)

Linda Weil-Curiel et Annie Sugier (Ligue du droit international des femmes). 22 novembre 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire « La règle de neutralité est devenue un prétexte pour faire taire les critiques, et non un outil de promotion de l’universalité des valeurs du sport ».

"Les dirigeants sportifs ne sont pas à une contradiction près quand il s’agit de contourner leurs propres règles éthiques, pourtant censées constituer les fondamentaux du sport.

Parmi celles-ci, on compte la règle de neutralité, qu’il s’agisse de la règle 50.2 de la Charte olympique (« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n’est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique »), ou de la loi 4 du football (« l’équipement ne doit présenter aucun slogan, inscription ou image à caractère politique, religieux ou personnel. Les joueurs ne sont pas autorisés à exhiber de slogans, messages ou images à caractère politique, religieux, personnel ou publicitaire sur leurs sous-vêtements autres que le logo du fabricant »).

Rappelons qu’en mars 2012, l’International Football Association Board (IFAB) – organe décisionnel en matière de règlements du football – acceptait le port du hijab par les footballeuses, sous prétexte qu’il s’agissait d’« un signe culturel et non religieux », cédant ainsi aux exigences de la fédération iranienne qui pourtant le revendiquait comme une obligation religieuse s’imposant aux femmes en Iran.

Or, voilà qu’à la veille de la Coupe du monde de football du Qatar, la Fédération internationale de football (FIFA) interdit au Danemark de s’entraîner avec des maillots portant un message en faveur des droits humains. Le directeur général de la Fédération danoise de football, Jakob Jensen, a défendu en vain le fait qu’il ne s’agissait pas d’un message politique, mais universel. « Nous avons envoyé une demande à la FIFA, mais la réponse est négative. Nous le regrettons, mais nous devons en tenir compte », a-t-il déclaré à l’agence de presse danoise Ritzau.

Il faut dire que le mauvais exemple vient d’en haut, et de loin, sans que le monde du sport n’ait jugé utile, à l’époque, de s’en émouvoir. Si la règle de neutralité n’a pas changé, elle est depuis longtemps contournée.

Le Comité international olympique (CIO) fut le premier à céder devant les diktats de la République islamique d’Iran dès 1996, lors des Jeux olympiques d’Atlanta, en acceptant les conditions posées par le régime à l’envoi d’une femme : qu’elle soit voilée de la tête aux pieds à l’exception du visage. Il s’agissait de Lida Fariman, tireuse, et porte-drapeau de la délégation iranienne : tout un symbole.

Par cette lâcheté, le CIO contribua à banaliser l’apartheid sexuel imposé aux femmes en Iran, et dont on perçoit, à la lumière des événements qui secouent le pays depuis la mort de Jina Mahsa Amini, les souffrances parfois extrêmes que ce système génère.

Or quelques années plus tard, en 2008, à la veille des Jeux de Pékin, à l’image de ce que décide aujourd’hui le président de la FIFA à l’encontre de la Fédération de football de Norvège, le CIO par la voix de son président d’alors, Jacques Rogge, interdit aux athlètes français le port d’un badge. Celui-ci portait l’inscription « pour un monde meilleur », une citation extraite de la Charte olympique, mais dont le message critique à l’égard du choix de Pékin n’échappait à personne. Autrement dit, la règle de neutralité devenait un prétexte pour faire taire les critiques, et non un outil de promotion de l’universalité des valeurs du sport.

Il serait temps de retrouver le sens véritable des « principes éthiques fondamentaux universels » tels qu’inscrits dans la Charte olympique.

D’abord en s’interrogeant sur les critères de choix des villes ou des pays qui accueillent les grands événements sportifs, alors que pour des raisons financières, sécuritaires et environnementales, les candidatures se font de plus en plus rares – ce qui favorise les choix les plus contestables.

Il serait temps surtout de respecter de façon stricte le principe de non-discrimination, y compris de sexe, et la règle de neutralité, forme encore plus exigeante que la laïcité. La neutralité pourrait ainsi devenir un modèle d’internationalisation du concept de laïcité."



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