Benoît Duteurtre, romancier, essayiste et critique musical, chroniqueur à "Marianne". 15 juin 2022
[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"L’évolution du concours Eurovision (diffusé le 14 mai) recoupe un peu celle de la Commission européenne. L’anglais y règne désormais comme sabir unique, braillé par des commentateurs et des chanteurs des quatre coins du continent, visiblement fiers de s’exprimer ainsi, comme s’ils représentaient la face jeune et festive du « camp occidental ».
Le matin, Ursula von der Leyen et les responsables européens nous expliquent en anglais que l’Europe militaire et diplomatique commence enfin à exister… en fusionnant sans complexe avec l’Otan. Le soir, les organisateurs et participants de l’Eurovision Song Contest nous signifient que l’Europe de la culture est enfin accomplie comme un produit dérivé du divertissement nord-américain (ils en profitent pour nous rappeler, d’une année sur l’autre, que l’Europe de la chanson est aussi celle de la lutte contre toutes les phobies, célébrant les chanteuses à barbe ou à forte corpulence comme autant d’incarnations positives de notre civilisation woke). Mais cet affichage d’un anglais collectif est un acte symbolique et non un choix pratique ; car une majorité de la population européenne comprend mal cette langue et préfère écouter les commentateurs nationaux chargés de traduire le grand show mondialisé.
Stéphane Bern, qui officiait pour la France avec Laurence Boccolini, en aura profité pour souligner que notre langue, pour la première fois en 2022, n’était représentée par aucun pays ! Et voilà qui devrait nous interpeller : non seulement parce que le français est la seconde langue de l’UE, mais aussi parce qu’elle fut longtemps la première de ce concours fondé en 1956, raflant dix fois le titre durant les vingt premières années. La France restait alors « le » pays de la chanson aux yeux d’une Europe où les voix de Jacques Brel, Charles Aznavour ou Françoise Hardy franchissaient encore les frontières. [...]"
Lire "L’Otan et la chanson".
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