Note de lecture

L’"islamophobie" ou la fabrication d’une idéologie

par Philippe Foussier, président délégué du CLR. 19 avril 2015

Isabelle Kersimon et Jean-Christophe Moreau, Islamophobie : la contre-enquête, Plein Jour, 288 p., 19 €.

C’est un livre très éclairant que proposent la journaliste Isabelle Kersimon et le juriste Jean-Christophe Moreau, en invitant le lecteur à les suivre dans une enquête sur l’origine du mot « islamophobie » et sur la fabrication d’une idéologie. En refermant le livre, on se dit qu’on n’emploiera plus ce mot comme avant… voire plus du tout. On remarquera d’ailleurs qu’un certain nombre d’esprits avisés ne l’utilisent jamais, lui préférant lorsque cela se justifie la désignation d’une « haine contre les musulmans », tout à fait différente de ce terme d’islamophobie qui sous-tend qu’on ne peut critiquer une religion.

C’est le mérite de cette analyse d’établir de manière distanciée, références à l’appui, comment le concept est instrumentalisé et comment il sert d’arme politique et médiatique aux intégristes. Loin des anathèmes, ce livre permet de prendre la mesure du phénomène. Les auteurs proposent un détour par les instances internationales, certaines d’entre elles ayant relayé le terme au service d’une interdiction du « blasphème » et on perçoit la logique pernicieuse qui vise à imposer le mot dans des instances officielles pour lui assurer une légitimité, même si les médias ont déjà largement assuré sa publicité. Kersimon et Moreau illustrent aussi leur propos au regard d’épisodes comme la loi de 2004 sur les signes religieux à l’école, votée à la quasi-unanimité du Parlement, et dont les propagandistes du concept d’islamophobie tentent souvent avec succès de contester la légalité.

« Notre société est peut être plus saine que nous le pensons », soulignent les auteurs. « Elle est certes traversée de crispations, de peurs irrationnelles, de réflexes de rejet et hélas d’extrémismes mais elle n’a pas commis ce crime contre la raison qui serait un rejet total de l’islam et des musulmans », avancent-ils à rebours d’un discours dominant d’autant plus asséné qu’il n’est jamais étayé. Notre société, poursuivent-ils, « tente indéniablement, parfois avec des maladresses, parfois avec des arrière-pensées, d’offrir aux musulmans une place digne de l’idée que nous nous faisons de nous-mêmes : la place de citoyens libres et égaux en devoirs et en droits. Naturellement, une France viscéralement islamophobe aurait mieux convenu aux théoriciens de l’éternelle culpabilité. C’est sans doute pourquoi ils mettent tant de passion à la fabriquer. »

En complément, il faut lire le bref opus de Charb, bouclé deux jours avant qu’ils ne tombe sous les balles de kalachnikov des fanatiques, « Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes » (Les Echappés, 96 p., 13,90 €). On sera ainsi tout à fait vacciné contre l’emploi du terme.

Philippe Foussier


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