18 août 2006
"Tout est figé. Le débat sur les lois mémorielles qui, en début d’année, a opposé parlementaires, historiens et minorités oubliées n’a pas abouti. Trop de passions, de pressions, d’empressements. Quelques mois après la vive polémique, René Rémond, président de la Fondation nationale des sciences politiques, revient sur la controverse dans un entretien alerte et serein mené par l’historien François Azouvi. Il examine les pièges laissés par les « lois relatives à l’histoire » : c’est-à-dire la loi Gayssot du 13 juillet 1990 sur le négationnisme, la loi du 29 janvier 2001 sur la reconnaissance du génocide arménien, la loi Taubira du 21 mai 2001 sur la traite négrière et le texte du 23 février 2005 reconnaissant un « rôle positif » à la colonisation que le Conseil constitutionnel déclassera sur injonction du président de la République.
René Rémond retrace la mobilisation des historiens qui a suivi la mise en accusation d’un des leurs, Olivier Pétré-Grenouilleau. Au titre de la loi Taubira, il était poursuivi pour avoir déclaré lors d’une interview que les « traites négrières ne sont pas des génocides ». Une pétition avait été lancée, une association créée Liberté pour l’histoire , les plaintes ont finalement été abandonnées. Mais le malaise demeure, tout comme subsiste la « contradiction objective entre l’application de la loi et l’établissement de la vérité ».
« Est-ce le rôle des représentants de la nation de se prononcer dans un tel débat ? Sont-ils qualifiés à cette fin ? » interroge René Rémond. Dans un « mouvement de longue durée qui vise à réécrire l’histoire en fonction des minorités oubliées », il milite pour que la discipline ne succombe pas au « péché d’anachronisme », ne verse pas dans le « relativisme culturel ». En chercheur prudent, René Rémond se fait l’apôtre de l’ambivalence que « l’histoire nous apprend et que l’enseignement doit mettre en lumière ». Ainsi, « la colonisation a produit des effets positifs et négatifs », dit-il, soulignant que le « législateur ne rend pas justice à cette complexité ».
Pis, avec la multiplication des lois particulières, celui-ci participe insidieusement au délitement du corps social.
Dans un texte lapidaire, Emmanuel Terray se saisit, lui, avec fougue de cette « contemplation du passé ». L’anthropologue, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, étrille les « militants de la mémoire » et leur « exaltation ». Et s’agace de la prolifération des victimes indirectes qui ont tendance à « s’abriter derrière les morts pour présenter leur propre cas ». Certaines de ses saillies sur la transmission des souffrances sont discutables. D’autres réflexions comme le « devoir d’oubli » que prône Terray sont plus étayées."
Comité Laïcité République
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