Revue de presse

"L’étrange parcours du docteur Mélenchon" (Charlie Hebdo, 17 juil. 24)

(Charlie Hebdo, 17 juil. 24) 18 juillet 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Il y a mystère. Grand mystère. « Charlie » révèle certains secrets bien gardés du Grand Homme. A-t-il réellement rompu avec la secte politique de sa jeunesse, l’Organisation communiste internationaliste ? Attention, ça décoiffe.

Fabrice Nicolino

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Mais qui est vraiment Mélenchon ?

Retenez ce nom : Jérôme Legavre. Il vient d’être réélu député LFI de Seine-Saint-Denis. LFI ? Legavre est un pilier d’un groupuscule inconnu, le Parti ouvrier indépendant (POI). Quand Mélenchon décide en 2022 de présenter six candidats du POI sous l’étiquette Nupes, personne ne comprend pourquoi il a sorti du formol une telle structure. Seulement voilà : le POI est l’héritier direct de l’Organisation communiste internationaliste (OCI), autrement appelée lambertiste, du nom de son chef historique, Pierre Lambert.

Mélenchon y adhère en 1972, à l’âge de 21 ans, et à Besançon, il devient rapidement le chefaillon de l’OCI, avant de disparaître brutalement. Dans des conditions loufoques, il aurait été radié de l’OCI, sans raison. En 1976, à 25 ans, il part s’enterrer dans un minuscule village du Jura, Montaigu. Comme par enchantement, il est devenu socialiste, et fait des piges pour Les Dépêches du Jura. Titre d’un de ses papiers consacré au métier à tisser « De cordes en ficelles… l’essentiel est de ne pas perdre le fil ». Dans un autre, il regrette « le bon pain d’autrefois », qui n’a plus rien à voir avec « le pain tel qu’il est aujourd’hui ». Grand.

Mais sa vie va basculer. En 1978, une grande manœuvre commence. Au PS, la bataille fait rage entre les courants rocardien et mitterrandiste. Qui sera candidat à la présidentielle de 1981 ? L’Essonne est « tenue » par le maire de Massy, Claude Germon, mitterrandiste, qui va chercher au fond du Jura l’homme du « bon pain ». Il ne le connaît pas, nul ne connaît Mélenchon, mais Germon, qui ne s’expliquera jamais sérieusement, propose à un jeune homme sans la moindre expérience de devenir son directeur de cabinet. C’est incompréhensible.

Sauf si Mélenchon est en fait un sous-marin de l’OCI, comme ces centaines de militants lambertistes envoyés faire de l’« entrisme » au PS. Jospin, on le sait, est devenu premier secrétaire du PS en 1981, alors qu’il était un agent de l’OCI, sa véritable organisation. Et Jospin l’a pourtant nié pendant des années, prétendant qu’on le confondait avec… son frère.

Germon était-il au courant ? Il est fortement soupçonné d’avoir été lambertiste, lui aussi. Il dira de Lambert : « C’était un personnage intéressant, avec qui j’aimais discuter régulièrement. » Un soir que Lambert est venu le voir, peu de temps après l’arrivée de Mélenchon à Massy, Germon lâche à ce dernier : « Tu n’as qu’à rester. Participe à notre discussion. Ça va t’intéresser1. » Mélenchon fait venir une bande lambertiste de Besançon, et va mettre en coupe réglée l’Essonne, utilisant, et c’est lui qui le dit, « les moyens les plus déloyaux possibles ». On n’en sait toujours pas le détail.

Quand a-t-il rompu avec l’OCI ? A-t-il vraiment rompu ? L’histoire le dira peut-être. Le fait est que, dès 2017, le POI-OCI soutient Mélenchon dans toutes ses entreprises. Peu à peu, et sur la seule décision de Mélenchon, le mouvement lambertiste devient l’un des soubassements de LFI. Au moins une vingtaine de rencontres et séminaires, de réunions, de conférences de presse du mouvement se sont tenus au 87, rue du Faubourg-Saint-Denis, au siège parisien, historique, des lambertistes. Le 23 janvier 2022, il y déclare, la larme à l’œil : « Il y a pour moi une sorte d’humour de situation […] J’étais, il y a un nombre d’années sur lequel il n’est pas besoin de revenir, assis au fond de cette salle, dans l’organisation à laquelle j’appartenais à l’époque [l’OCI]. » Le 5 juillet 2022, Mélenchon y congratule ainsi devant le gratin du POI le député fraîchement élu Legavre : « Je remercie le POI qui termine sa mutation de banalisation – il cesse d’être considéré comme une organisation secrète, mystérieuse -, pour avoir prêté cette salle si gentiment. »

Un simple prêt de salle ? Mélenchon a de l’humour bien dissimulé. En décembre 2022, il écarte ses opposants internes, Clémentine Autain et François Ruffin en tête, de la direction de LFI. Le 26 mars 2023, Mélenchon est à nouveau au 87, comme les initiés appellent ce vaste local, pour une assemblée du POI. Pas de LFI, du POI. Et Legavre prend la parole : « Depuis 2017, je me suis engagé dans les campagnes de La France insoumise. D’abord dans la campagne de Jean-Luc Mélenchon, que je vous demande de saluer, car il est dans la salle, et on le remercie de sa présence. »

À la mi-mai, 370 membres et cadres de LFI au départ signent un appel qui constate « l’absence totale de démocratie » entre les « décideurs » et les « militants de terrain », dénonçant « la nomination des porte-parole sans consultation des militants ». Lèse-majesté. Interrogé par Le Monde, un élu LFI lâche : « LFI, c’est la propriété privée de Jean-Luc. Il a l’argent, et choisit la couleur des volets. Le concierge, c’est Manu [Bompard]. »

Sur le terrain, le POI, devenu la garde prétorienne du chef, surveille les mauvais esprits. Dans la Vienne, autour de Poitiers, les lambertistes fichent 15 militants qui ont eu l’heur de signer une tribune déplaisant à Mélenchon. Avec « prénoms, noms, antécédents politiques, affiliations syndicales, activité sur les réseaux sociaux, liens familiaux, photos… », comme le révèle Mediapart. Partout, les gens du POI noyautent les structures départementales de LFI, décourageant peu à peu d’autres militants. C’est vrai en Seine-Saint-Denis, dans les Pyrénées-Atlantiques, dans l’Ouest, à Lille, à Paris. Beaucoup des opposants soupçonnent Mélenchon de vouloir se créer un microparti à sa botte, qui contrôlerait définitivement LFI avec un lot d’idiots utiles, capables d’avaler toutes les couleuvres. LFI, présentée par Mélenchon comme un mouvement « gazeux », est confrontée à une organisation dure comme la pierre.

Est-ce tout pour aujourd’hui ? Presque. Pierre Lambert, chef indiscuté de l’OCI, meurt le 16 janvier 2008 dans la région parisienne, et son enterrement au Père-Lachaise montre une dernière fois les dimensions de son influence. On y voit les trois derniers secrétaires généraux de Force ouvrière, André Bergeron, Marc Blondel et Jean-Claude Mailly, dont les deux derniers sont soupçonnés d’avoir été lambertistes. Et bien sûr, Mélenchon est là aussi. Dans un livre éclairant, Cet étrange monsieur Blondel, l’essayiste Christophe Bourseiller consacre de nombreuses pages aux lambertistes. Et il écrit en exergue une phrase de Cyril Glassé qui fait penser à quantité de situations. « Taqiyyah […], principe qui consiste à dissimuler ses croyances religieuses afin d’éviter des persécutions ou des maux imminents, alors qu’il ne servirait à rien de les revendiquer publiquement et ouvertement. »

1. Raconté dans Mélenchon le plébéien, de Lilian Alemagna et Stéphane Alliès (éd. Robert Laffont).

Le répugnant hommage à Charb

Le 7 janvier 2015, les tueurs massacrent l’équipe de ­Charlie à la kalachnikov. Et s’acharnent sur notre Charb, notre ami, notre frère. Le 16 janvier, des centaines d’orphelins se retrouvent au hall Saint-Martin de Pontoise (Val-d’Oise), pour une cérémonie d’hommage. À la tribune, de vraies larmes, et quelques faiseurs dont on préfère oublier le nom.

Mélenchon est là, lisant un texte boursouflé. Extraits : « [La mort] rôde encore autour de nous et nous sentons son souffle froid. » Après avoir évoqué le « rivage glacé » des « bords de ce cercueil », il clame : « Adieu camarade ! Merci camarade ! » Charb, on le sait, était un homme d’une gauche radicale, et bientôt, L’Internationale retentit. Mélenchon continue, enflant sa voix : « Charb, tu as été assassiné comme tu le­ ­pressentais par nos plus anciens, nos plus cruels, nos plus constants, nos plus bornés ennemis : les fanatiques religieux, crétins sanglants qui vocifèrent de tout temps : « À bas l’intelligence ! Vive la mort ! » Charb, ils n’auront jamais le dernier mot. […] Va, Stéphane, éternel jeune homme, tu marches pour toujours devant nous. »

Mais ce n’est pas tout. Mélenchon lâche aussi : « ­Charlie vivra et le délit de blasphème sera abrogé dans la France ­concordataire. La laïcité brocardée, les laïcards moqués ont la preuve par Charb de leur sens complet. » Eh oui, Mélenchon est alors laïcard.

Et il l’est depuis le début de sa carrière. Au moment des grands débats sur l’école privée – le projet de loi Savary de 1984 -, il lance l’appel « Laïcs, comptez-vous, vous êtes majoritaires ». Vingt-six ans plus tard – 2010 -, il lance à la télé : « Je considère que [la burqa] est un traitement dégradant, et je considère que c’est une provocation d’un certain nombre de milieux intégristes contre la République. »

Comme l’on sait, cela allait changer. Il est probable que 2017 aura été un tournant. Mélenchon a « loupé » le second tour de 600 000 voix, et le député Éric Coquerel va le convaincre qu’il existe une réserve de voix importante dans les banlieues. Chez les musulmans. En novembre 2018, Coquerel organise les Rencontres nationales des quartiers populaires. Selon le sociologue Manuel Cervera-Marzal, dans son livre Le Populisme de gauche, « l’initiative suscite des résistances au plus haut niveau du mouvement. On reproche à Éric Coquerel de mettre le doigt dans l’engrenage communautariste ».

Le coup est parti, et en quelques mois décisifs, Mélenchon fait de l’islamophobie un combat essentiel de La France insoumise. En 2019, il participe à une marche honteuse, coorganisée par le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF), dont les liens avec les Frères musulmans conduiront à son interdiction. À la présidentielle de 2022, selon un sondage pour La Croix, 69 % des Français musulmans auraient voté pour le candidat Mélenchon.

Mais entre-temps, juste avant d’être massacré, notre Charb avait mis la dernière main à sa Lettre aux escrocs de l’islamophobie qui font le jeu des racistes. Il y contestait radicalement le concept d’islamophobie, instrumentalisé par des forces diverses mais convergentes. Car le vrai combat était et reste celui contre le racisme. Une religion peut et doit être critiquée, y compris par la déconnade.

Charb : « Si on laisse entendre qu’on peut rire de tout, sauf de certains aspects de l’islam parce que les musulmans sont beaucoup plus susceptibles que le reste de la population, que fait-on, sinon de la discrimination ? La deuxième religion du monde, la prétendue deuxième religion de France, ne devrait pas être traitée comme la première ? Il serait temps d’en finir avec ce paternalisme dégueulasse de l’intellectuel bourgeois blanc « de gauche » qui cherche à exister auprès de « pauvres malheureux sous-éduqués ». » Et ça, c’est un coup de poing dans la gueule à Mélenchon. Posthume.

L’OCI : machiste, homophobe et raciste
Aujourd’hui, l’Organisation commu­niste internationaliste (OCI) de Mélenchon pourrait aisément être classée à ­l’extrême droite. Le 10 mai 1968 au soir, alors qu’éclate la première nuit des barricades, l’OCI et son organisation de jeunesse, la Fédération des étudiants révolutionnaires (FER), organisent un meeting salle de la Mutualité, à Paris. Les participants sortent en cortège, drapeau rouge en tête et gagnent le Quartier latin. Vont-ils fraterniser ? Non, ils viennent dénoncer une provocation, réclamant la dispersion d’émeutiers irresponsables et aventuristes.

Les années qui suivent sont aussi étonnantes. L’OCI refuse les mouvements issus de 1968. Le Larzac, le mouvement anti­nucléaire initié par Charlie, le féminisme, les combats écologistes naissants, les luttes antimilitaristes, la bagarre antifasciste, la solidarité avec le Chili. Ils ne participent à rien. Benjamin Stora, ancien cadre lambertiste (dans La Dernière Génération d’Octobre) : « Nous sommes ainsi passés, volontairement, à côté des marches du Larzac […] des combats féministes […], des « comités de soldats » […] Les pollutions, les problèmes liés à la santé et à l’environnement, le prix et la qualité de l’eau, le bruit, le stress […] Cette dimension n’était jamais prise en compte. »

Le reste s’appelle violence. Une violence déchaînée pour attaquer, disperser, matraquer, blesser ses adversaires politiques de gauche. La liste des affrontements à l’initiative de l’OCI est longue de dizaines de faits divers. À l’université ­Censier, le 21 janvier 1971, des militants de l’OCI casqués, matraque en main, balancent par une fenêtre du deuxième étage six étudiants communistes. Et le même scénario se reproduit dans presque toutes les universités françaises, car l’OCI s’empare à ce moment de la direction de l’Unef, syndicat étudiant. Avec de bien belles méthodes.

Ainsi, en 1975, Denis Sieffert, longtemps directeur de Politis, devient président de l’Unef lambertiste, qui doit faire face à l’Unef-Renouveau, aux mains du PCF. Le service d’ordre de l’OCI réussit à coincer le responsable de l’Unef-Renouveau, Paul Robel, et lui casse la gueule. Or Robel, membre du PCF, est en fait lambertiste, et l’avouera plus tard.

Signalons enfin ce sordide incident de Jussieu, en avril 1980, tel que rapporté à l’époque par l’hebdomadaire Rouge. Les membres de l’OCI s’en prennent cette fois à la Ligue commu­niste : « La camarade Françoise du Bureau national des JCR a été traitée de « pouffiasse pabliste [du nom d’un trot­skiste concurrent, ndlr] ». Un camarade antillais a été traité de « babouin ». Lors d’une réunion […], les militants de l’OCI lui ont jeté des peaux de banane à la tête… Bavures ? Comment peut-on le croire quand un dirigeant, Plantagenêt, a donné le ton de toutes ces injures racistes et sexistes ? »

Le service d’ordre est au coeur de l’action, composé exclusivement d’hommes. Les chercheurs Lucie Bargel et Karel Yon résument l’esprit de l’organisation de Mélenchon : « Le virilisme, réactivé dans la mythologie et les entraînements du Service d’ordre, la mise en scène du machisme ou de l’homophobie ; la valorisation de l’esprit d’appareil » Homophobie, machisme ? L’ancien dirigeant du PS Gérard Filoche, qui a bien connu les gens de l’OCI, écrit dans son livre Le Social au cœur : « Ils étaient ouvertement sexistes, antihomosexuels, machos. » Dans une autre étude, du seul Karel Yon, cette fois, on lit une enquête portant sur d’anciens membres de l’OCI. Florilège de témoignages : « C’était très amusant en fait, de taper en permanence les militants de l’UEC [Union des étudiants communiste, ndlr], oui on avait le mythe du service d’ordre tout-puissant, à qui personne ne peut résister […] Cette volonté de confrontation permanente, se trouver en permanence, de toutes façons, on était toujours, on est toujours le plus fort, y compris physiquement. » Sur les femmes : « Il n’y avait aucune réflexion, et d’ailleurs c’était strictement interdit, […] sur l’émancipation de la femme et l’oppression de la femme […] Tous les mouvements féministes étaient caractérisés comme des mouvements contre-révolutionnaires, petits-bourgeois […] C’était exactement le même positionnement pour les homosexuels. Il était interdit d’être homosexuel. » Enfin : « Il y avait une réputation […] qui était de beaucoup recruter par le cul, et bien je confirme. C’était une organisation […] avec des méthodes, vis-à-vis des femmes [rire] des méthodes, plus que contestables […] avant tout, de drague classique hein. »

Un bien beau programme.

Alexandre Hébert, « anarchiste », lambertiste, fasciste
Il a été l’un des dirigeants occultes du beau parti de Mélenchon, qui oublie soigneusement de nous en parler. On va comprendre pourquoi. Le cas Alexandre Hébert serait presque drôle. En 1948, il s’empare de la fédération de Loire-Atlantique de Force ouvrière (FO), qu’il conserve jusqu’en 1992, avant de la refiler en suzerain à son fils Patrick. Au sein de FO, avec le soutien ­d’André Bergeron, Hébert prétend incarner une aile « anarcho-syndicaliste », qui par quelque miracle atteint souvent 10 % dans les votes de congrès. Anarchiste, Hébert ? La farce est hénaurme, car il est en fait lambertiste. Il assistera pendant des décennies aux réunions du bureau politique de l’OCI, sous les pseudonymes d’Ernest, puis d’Armand.

Mais ce n’est pas tout. Il était aussi d’extrême droite.

Un, aux élections municipales de Nantes, en 1965, il vote et fait voter pour un certain André Morice, qui sera élu. Or l’entreprise de travaux publics de Morice a travaillé pour la construction du mur de l’Atlantique nazi, ce qui lui vaudra de sérieux ennuis à la Libération. Il est ensuite ministre de la Défense en 1957, et sera l’un des plus durs de l’Algérie française.

Deux, dans le bulletin no 29 de la très fictionnelle Union des anarcho-syndicalistes, on lit en 1996 une terrifiante saillie antisémite. Jean-Marie Lustiger vient d’être reçu à l’Académie française, et Alexandre Hébert s’en étouffe. Il ne cesse d’y appeler l’archevêque de Paris par son prénom d’origine, Aaron. Titre : « Aaron Lustiger entre à l’Académie française ». Citations : « Aaron Lustiger, devenu, par la grâce de Dieu, Monseigneur Jean-Marie Lustiger » ; « Comme on le voit, les choses ne sont pas simples dans l’itinéraire du jeune juif Aaron Lustiger ».

Trois, à Nantes, le fief d’Hébert, un nouveau personnage apparaît, le journaliste Joël Bonnemaison. Dans les années 1970, il a été un cadre du Front national, et sera élu local de ce parti dans les années 1980. À son deuxième mariage, ses deux témoins seront Alexandre Hébert et… Jean-Marie Le Pen. Par un coup de baguette magique, il est devenu lambertiste, avant de se rapprocher d’un certain Philippe de Villiers.

Quatre, Hébert donne en octo­bre 1999 une interview au journal du Front national Français d’abord. Il y dénonce « les nouvelles structures totalitaires » que l’Union européenne serait en train de bâtir, et accuse froidement la CGT de corruption sur fonds européens. La direction nationale de FO rappelle alors « qu’aucun dirigeant de FO n’est habilité à entretenir des contacts avec le FN, dont elle dénonce régulièrement le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie ». Hébert s’en contrefout et déclare à Ouest-France dans la foulée : « Je n’ai jamais été dupe de ce que la diabolisation du Front national avait pour principale utilité de permettre à la gauche de se faire élire. »

L’OCI, quel beau parti.

Mélenchon, l’homme qui ne voyait rien

Mélenchon géostratège stratosphérique. Le 11 novembre 2021, il déclare au Figaro : « Je ne crois pas à une attitude agressive de la Russie ni de la Chine. Je connais ces pays, je connais leur stratégie internationale et leur manière de se poser les problèmes. Seul le monde anglo-saxon a une vision des relations internationales fondée sur l’agression. Les autres peuples ne raisonnent pas tous comme ça. » Pas agressive, la Russie ? Le 24 février 2022, elle envahit l’Ukraine.

Quant à la Chine, Mélenchon préfère oublier le laogai – le goulag – et ses millions de prisonniers détenus dans un millier de camps, les tortures et innombrables crimes commis contre les Ouïgours – qui sont, rappelons-le, musulmans -, et la dévastation écologique du pays. Mélenchon estimait en 2012 que « le développement de la Chine est une chance pour l’humanité ». Sûr. Le 20 octobre 2021, il le jurait, « les Chinois n’ont pas l’intention d’envahir Taïwan, mais si Taïwan se déclare indépendante, alors il est possible que la Chine, à juste titre, trouve qu’une ligne rouge a été franchie ».

Il justifiait donc à l’avance l’invasion d’une île, Taïwan, désormais tenue pour probable. Oubliant – c’est une habitude – une histoire complexe. Taïwan a été habitée pendant des milliers d’années par des peuples parlant une langue longtemps appelée malayo-polynésienne. Les Chinois sont des envahisseurs, comme l’ont été à différentes époques les Néerlandais, les Espagnols, les Japonais.

La Chine devient sous nos yeux une nation impérialiste, mais Mélenchon ne le voit pas.

Le passé est pourtant sans appel : l’expansion chinoise a commencé dans le bassin inférieur du fleuve Jaune, et pendant des siècles, les guerriers han n’ont fait qu’avancer, ajoutant à l’Empire des provinces comme la Mongolie-­Intérieure, la Mandchourie, le Xinjiang, le Tibet. Quant à la Russie, n’a-t-elle pas conquis l’Asie centrale, la Sibérie, le Caucase, pratiquement annexé les pays Baltes ? Et que dire des pays de l’est de ­l’Europe après 1945, plongés dans la nuit par la seule présence de ­l’Armée rouge ? Ou de l’Afghanistan ?

Ailleurs et pendant des années, Mélenchon n’a cessé de soutenir le régime vénézuélien et son magnifique Hugo ­Chávez jusqu’à sa mort, en 2013. En juin 2009, le tyran iranien Mahmud Ahmadinejad truande massivement les élections, provoquant des émeutes qui feront au moins 150 morts et des milliers de blessés. Chávez applaudit et clame que l’élection truquée aurait été « une extraordinaire journée démocratique ». Ahmadinejad est pour lui « un amigo, un hermano de Venezuela », mais aussi un « vaillant lutteur pour la révolution islamique et contre le capitalisme ».

Le 4 octobre 2012, Mélenchon cosigne une tribune dans Le Monde, dans laquelle il entend défendre « le chef d’État le plus diffamé du monde ». Et il note : « Le Venezuela bolivarien est une source d’inspiration où nous puisons sans aveuglement ni naïveté. Mais avec la fierté d’être du bon côté de la barricade et de réserver nos coups à l’empire malfaisant des États Unis. »

À la mort de Chávez, il pleure : « Ce qu’il représente ne meurt jamais. » Depuis, le successeur du grand chef, Nicolás Maduro, règne sur un pays en ruine. La corruption est omniprésente, il n’y a plus de médicaments, des produits de première nécessité ont disparu, et près de 8 millions de Vénézuéliens ont pris le chemin de l’exil. Mélenchon le visionnaire.

Le coup fourré de Frères des hommes

En 1991, Mélenchon dirige avec Julien Dray la Nouvelle École socialiste (NES), supposée aile gauche du PS. Au même moment, l’association humanitaire Frères des hommes connaît une passe difficile. Mais tout va changer pour le mieux grâce à la belle équipe mélenchoniste.

On ne sait comment, un vieil ami lambertiste de Mélenchon, Claude Danrey, devient directeur de la communication de Frères des hommes. Et fait entrer au conseil d’administration quatre compères. Appliquant à la lettre des pratiques rodées de l’OCI, Mélenchon-Dray ont créé cinq équipes locales de Frères des hommes, dont trois sont situées dans des fiefs de la NES : Massy, Lons-le-Saunier, La Roche-sur-Yon. Massy, c’est Mélenchon lui-même. Lons-le-Saunier, c’est Danrey.

Les 15 et 16 juin 1991 se tient l’assemblée générale de Frères des hommes en Avignon. Mélenchon et ses hommes disposent d’une centaine de mandats et parviennent à chasser l’ancien bureau sans mal, en en « ­élisant » un autre à leur botte. La trésorerie de Frères des hommes est entre leurs mains.

Béatrice Digeon, ancienne présidente de l’association, parle d’un coup d’État et monte un comité de soutien qui obtient une nouvelle assemblée générale en décembre 1991. Le scandale éclate publiquement, et le couple Dray-Mélenchon, sommé de s’expliquer, fournit de bien étranges réponses. Il ne nie pas le truandage, mais se contente d’affirmer que « la direction sortante doit faire la preuve qu’il y a eu des irrégularités lors de l’élection des nouveaux dirigeants ». Et livre une version drolatique des événements : « Il nous semble plutôt que cette équipe à bout de souffle, à la tête d’une association exsangue, s’est fait débarquer par une large coalition de militants associatifs excédés. » Le duo conclut par : « Notre confiance va plutôt aux militants qui veulent véritablement que le codéveloppement, la solidarité avec le tiers-monde retrouvent un deuxième souffle. »

Mais ils sont allés trop loin, et décident devant l’ampleur du tollé, de disparaître de la scène, laissant Frères des hommes en cessation de paiements. Triomphal."


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