(K. Daoud, Le Point, 16 nov. 23). Kamel Daoud, écrivain, Prix international de la Laïcité 2020. 17 novembre 2023
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "L’erreur du « cheikh » Mélenchon".
"[...] Ce qu’a réussi aujourd’hui ce leader présumé de la colère « sacrée », c’est surtout une acrobatie dangereuse : une tentative de déstabilisation de l’establishment politique français par la manipulation massifiée des musulmans et de leur poids – encore mort – sur l’échiquier politique. Sa stratégie a fermé les yeux sur la véritable alliance que cela induit : un rapprochement avec l’islamisme qui conditionne, malheureusement, le rapprochement avec les musulmans de France. Non que ces derniers soient à confondre (amalgamer) avec les islamistes, mais il se trouve que les musulmans de France demeurent également une voix passive, encore peu autonome, sans représentation réelle et audacieuse, sans démarcation de rupture efficace avec l’islamisme. Cela autorise, sans droit, les islamistes à les prendre en otage de leur discours de revendication, et l’extrême droite à les criminaliser pour tiédeur républicaine. Par ailleurs, le corps électoral français ne leur correspond pas suffisamment. Par choix, par refoulement, par démission, par manque d’audace politique, ou par conflit de loyauté avec les pays d’origine, les musulmans français se voient souvent comme des migrants génériques, étrangers permanents. Et les migrants nourrissent le mythe du retour, pas de l’installation, ils pensent aux droits sociaux, mais pas au droit politique qui irait signer définitivement leur résidence et leur enracinement.
Piège. Tout cela, Mélenchon le sait probablement. Réussira-t-il dans son entreprise ? Non. À long terme, son offre se révèle périlleuse. D’abord pour lui. À l’évidence, aucun stratège politique occidental n’a jamais réussi à gagner en dealant avec l’islamisme. Les Américains l’ont tenté en Afghanistan, les Russes le tentent en Tchétchénie, les mélenchonistes en France. À la fin, c’est l’islamisme qui conquiert du terrain. Par appropriation, par usure, par ruse. Ensuite, une erreur périlleuse pour ses électeurs : les musulmans qui en France imaginent que l’offre de Mélenchon reste honnête et efficace se trompent. Mélenchon n’est pas leur messie. Il rompra le deal s’il accède au pouvoir, et son désir de coup d’État permanent n’est pas soluble dans leur propre désir de reconnaissance, de présence et de droits. Enfin, ce vote apparaît dangereux, parce qu’il fait croire, ou croit, qu’il deale avec les musulmans alors qu’il deale avec l’islamisme, qui n’a certes pas le même but que Mélenchon. L’islamisme incarne une internationale, le trotskisme mélenchoniste est une caste. Actuellement, Melenchon mise sur l’antisémitisme et, par effet de projection, stigmatise une partie de l’électorat musulman, la piège. Il ne sortira rien de bon de cette manipulation. [...]"
Voir aussi dans la Revue de presse les dossiers LFI et islamisme dans La France insoumise (LFI), Gauche et islamisme, dans Gauche, la rubrique Antisémitisme (note de la rédaction CLR).
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