15 octobre 2012
"Sans cette image d’une vilaine blessure au torse, les quelques photos prises d’étape en étape par Ghazi Béji, posant en tee-shirt, souriant, pourraient passer pour un banal album de vacances. Mais c’est un tout autre périple que ce jeune Tunisien de 28 ans décrit : sept pays parcourus, sept mois d’épreuves, la clandestinité, les coups, la faim, le froid, l’épuisement, la peur.
La longue errance d’un blasphémateur, condamné dans son pays à sept années et demie de prison pour avoir publié sur Internet des caricatures et un pamphlet sur le Prophète. Ghazi Béji n’avait jamais quitté la Tunisie.
Echoué depuis fin septembre à Paris, où il bénéficie de l’aide de plusieurs associations de défense des droits de l’homme, cet athée revendiqué espère y trouver refuge. Un comité de soutien international s’est constitué en sa faveur, avec des signataires de poids – parmi lesquels figurent le philosophe Jean-Luc Nancy, l’éditeur Antoine Gallimard, les écrivains Patrick Chamoiseau, Abdelwahab Meddeb et Patrick Deville, ou encore les historiens Benjamin Stora et Sophie Bessis.
Ils agissent au nom "du droit inaliénable à la liberté de conscience tel que stipulé dans l’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme votée à l’ONU en 1948" et de la protection d’une personne menacée de mort. Une situation qui fait aujourd’hui de Ghazi Béji le premier candidat au statut de réfugié politique de la Tunisie post-révolution. Mais comment accorder l’asile politique au ressortissant d’un pays qui vient de se libérer d’une dictature ?
Sept mois plus tôt, le 8 mars, cet employé d’un atelier de pâtes alimentaires à Mahdia, sa ville natale, titulaire d’un BTS en agroalimentaire, a ramassé toutes ses économies, 1 000 euros, et s’est enfui. Son ami et complice, Jabeur El-Mejri, venait d’être attrapé par la police et incarcéré. Aucun avocat n’a voulu le défendre. Bochra Belhadj Hmida, elle, prendra le dossier de Ghazi Béji, après sa fuite. "Par principe", dit cette avocate engagée, bien connue à Tunis.
Ce sont même deux avocats qui avaient déposé une plainte après la publication par Jabeur et Ghazi de caricatures de Mahomet dans la blogosphère. Auteur d’un texte en arabe, non traduit, "L’illusion de l’islam", Ghazi Béji n’y est pas allé avec le dos de la cuillère en accusant notamment le Prophète de pédophilie. La justice tunisienne a condamné les deux compères à la même peine de prison. Les menaces de mort n’ont pas tardé à pleuvoir.
Bien sûr, Ghazi Béji ne se serait pas lancé dans une telle aventure sous Ben Ali, mais une fois le régime de l’ancien dictateur tombé, lui qui a participé avec enthousiasme aux manifestations de janvier 2011 pense que tout est permis dans la nouvelle Tunisie.
"La majorité des musulmans ne connaissent rien à leur religion, justifie-t-il dans l’appartement parisien où il est hébergé. Pour moi, tous les problèmes des pays arabes sont liés à la religion, sinon, pourquoi les gens sont pauvres alors que tous ces pays sont riches ?" "Le problème, s’entête-t-il, c’est l’islam." Naïf ou inconscient, il ira même jusqu’à porter les épreuves de son brûlot au ministère de l’intérieur tunisien, pour un visa d’impression, qu’il n’obtiendra évidemment pas."
Lire "L’errance".
Comité Laïcité République
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