16 novembre 2014
"La maire de Paris demande solennellement au président pakistanais Mamnoon Hussain de gracier Asia Bibi, jeune catholique condamnée à mort pour blasphème. Elle se dit prête à l’accueillir dans la capitale."
"Le 16 octobre, la justice pakistanaise a confirmé la condamnation à mort par pendaison d’une mère de famille d’une quarantaine d’années, déjà emprisonnée depuis cinq ans. Son nom : Asia Bibi. De condition très modeste, vivant dans la province du Pendjab, elle n’a commis aucun crime, aucun délit.
Ce qui est reproché à cette femme, qui appartient à la petite minorité catholique pakistanaise, l’est aussi, régulièrement, à des centaines de musulmans de son pays : elle aurait blasphémé contre le prophète de l’islam. Cette accusation, proférée à son encontre par des voisines, Asia Bibi la nie farouchement.
Certes, elle affirme publiquement sa foi chrétienne, comme d’ailleurs la loi pakistanaise l’y autorise. Certes, ses accusatrices sont musulmanes. Cependant, tout porte à croire que la véritable raison de ce qui lui arrive est une de ces vendettas qui, au nom de coutumes sans rapport aucun avec la religion musulmane, oppose des familles d’un même village. L’ignorance et l’obscurantisme sont les causes principales de son sort actuel.
Aujourd’hui Asia Bibi, soutenue dans son combat par son mari, n’a plus que deux chances d’échapper à l’inimaginable : être la première femme exécutée pour « blasphème » au Pakistan, une république parlementaire et pluraliste, une puissance économique et politique régionale, un État membre de toutes les instances internationales et lié à l’Union européenne, son premier partenaire commercial, par un plan quinquennal de coopération signé en 2012.
La première possibilité de la faire échapper à la mort est que son cas soit réexaminé par la Cour suprême et que celle-ci casse le verdict. Il faut faire pression en ce sens mais sans s’illusionner : les magistrats qui prendraient sa défense deviendraient les cibles désignées des talibans locaux.
La seconde, vers laquelle doivent tendre tous les efforts de ceux qui, en dehors du Pakistan en particulier, veulent sauver Asia Bibi, est d’obtenir que le président Mamnoon Hussain la gracie. C’est ce que je lui demande solennellement en mon nom personnel, en celui de Paris et des Parisiens.
Tout comme le gouvernement français l’a exprimé par la voix du ministre des Affaires étrangères, je rappelle mon opposition absolue à la peine de mort, en tous lieux et en toutes circonstances.
Je réaffirme aussi, contre ceux qui ont une conception culturaliste et relativiste des droits de l’homme que personne, nulle part, ne doit être poursuivi pour un supposé « délit de blasphème » qui porte atteinte à la liberté de religion ou de conviction, ainsi qu’à la liberté d’opinion et d’expression. En effet, autant il est légitime de réaffirmer le droit de croire et de pratiquer sa religion, autant il est indispensable de rappeler la liberté de ne pas croire et d’ignorer les dogmes, tous les dogmes, comme de changer librement de confession.
Soutenir Asia Bibi, demander sa libération immédiate et sans conditions, avec la liberté pour elle ensuite de choisir son lieu de résidence ne participe d’aucune volonté d’alimenter un présumé conflit de civilisations entre l’Orient et l’Occident, ni d’aucun combat contre l’Islam. Il s’agit au contraire de rappeler qu’au Pakistan comme ailleurs, des centaines de musulmans croyants et pratiquants, respectueux du message profond de leur religion, sont en butte aux persécutions, aux attentats et à la censure imposés par une minorité de fanatiques intégristes.
C’est d’ailleurs le message que diffuse inlassablement Malala Yousafzai, qui vient de recevoir le prix Nobel de la paix et à qui les talibans ont voulu interdire de concilier sa foi affirmée, son identité musulmane, et le droit à l’éducation et à l’émancipation.
Malala et Asia Bibi sont toutes les deux confrontées au poids insoutenable de traditions aliénantes dénuées de tout fondement théologique sérieux. Au Pakistan aujourd’hui comme en Iran hier, les femmes sont encore dans toutes les régions du monde les premières victimes d’un ordre que les théocrates, qui détournent les messages de toutes les religions, tentent d’imposer. Celui-ci les réduit à demeurer des êtres inférieurs en droits comme en dignité et à en subir les conséquences dans leur intégrité physique.
Le Pakistan, qui a su permettre à des femmes d’occuper les plus hautes fonctions de l’État, s’honorerait dans la communauté des nations en rendant à Asia Bibi la liberté. Paris, capitale des droits humains s’engage, si elle le souhaite, à la recevoir de manière permanente, ainsi que ses proches.
Le temps presse. Aussi j’appelle les élus, les responsables politiques et la société civile à rejoindre la campagne qui, en France et partout ailleurs, pourra par sa détermination et son ampleur sauver Asia Bibi et la rendre à sa famille."
Comité Laïcité République
Maison des associations, 54 rue Pigalle, 75009 Paris
Voir les mentions légales