2 juillet 2014
"Dix ans après que la France a interdit dans les écoles, collèges et lycées publics les foulards islamiques et autres signes manifestant " ostensiblement une appartenance religieuse ", et ainsi largement apaisé les tensions dans le système scolaire, l’Angleterre est secouée par une affaire qui illustre a contrario l’importance du statut des établissements et de leur mode de gestion, pour la préservation du " vivre-ensemble ".
A Birmingham, deuxième ville du royaume, un rapport d’inspection de 21 écoles publiques a révélé, le 9 juin, l’existence d’" un climat de crainte et d’intimidation " lié à la volonté de certains gestionnaires d’imposer une idéologie islamiste. Cinq de ces établissements, qualifiés d’" inadaptés ", ont fait l’objet de " mesures spéciales " autorisant l’Etat à remplacer leurs dirigeants. Aucune de ces écoles financées par l’argent public, écrivent les inspecteurs, n’ " agit suffisamment pour réduire l’isolement culturel " ou pour " préparer les élèves de façon adéquate à vivre dans une Grande-Bretagne moderne ".
Les responsables de l’une de ces écoles cherchent à " promouvoir une idéologie communautaire et étroite basée sur la foi ", ajoute le document. Ailleurs, des disciplines considérées, comme la musique, ont été retirées du programme et une ségrégation entre garçons et filles a été instaurée dans certains cours. Des tombolas, jugées impies, ont été supprimées et des pèlerinages à La Mecque ont été financés par le contribuable sous couvert de " voyages linguistiques ".
L’affaire de Birmingham [...] a déclenché une virulente polémique nationale à dimension à la fois politicienne et sociétale. Au centre des débats : la politique de communautarisation des établissements scolaires méthodiquement suivie ces dernières années par les gouvernements aussi bien travaillistes que conservateurs.
Dimension politicienne parce que les révélations de l’Ofsted, le corps d’inspection du système éducatif anglais, ont servi de prétexte à une empoignade verbale entre le ministre de l’éducation, Michael Gove, et sa collègue de l’intérieur, Theresa May. Tous deux candidats à la succession de David Cameron en 2015, ils revendiquent chacun la palme de l’efficacité contre l’islamisme. [...]
Au-delà de cette querelle gouvernementale, c’est la politique scolaire anglaise suivie depuis une quizaine d’années qu’interroge le scandale de Birmingham. Désireux d’améliorer les performances d’un système à la traîne dans les palmarès internationaux, Tony Blair a, dès 2000, encouragé la création d’établissements innovants par des communautés locales désireuses de porter leurs valeurs philosophiques ou religieuses. La diversité, l’indépendance et l’engagement des parents sont présentés comme des gages d’innovation, de démocratisation et de réussite. Libérées des collectivités territoriales, ces academies et ces free schools sont des entités privées, gérées par les parents et d’autres sponsors. Non tenues de respecter les programmes nationaux, elles sont cependant financées par l’Etat. A Birmingham, quatre des cinq écoles soupçonnées de dérives islamistes ont le statut d’academy.
Depuis 2010, le gouvernement conservateur a maintenu et accéléré cette politique. Près de 3 500 établissements de ce type fonctionnent aujourd’hui en Angleterre. Pour le ministre de l’éducation, les parents ont le droit d’éduquer leurs enfants selon les valeurs de leur choix et de définir " une philosophie spécifique " dans l’école qu’ils fréquentent. La musique, l’informatique, la religion peuvent être au centre de cette " philosophie ". Dans ces " écoles libres ", rien n’empêche d’enseigner le créationnisme ou d’exiger des filles qu’elles portent le foulard islamique, au nom du respect de leur identité.
L’affaire de Birmingham a provoqué une grande émotion et suscité une réforme des règles d’accréditation des " gouverneurs " des academies. David Cameron, secoué par l’avancée du parti anti-immigration UKIP aux élections européennes, a appelé à " promouvoir de façon beaucoup plus musclée les valeurs britanniques et les institutions qui les défendent ".
Les academies pourront être fermées par le ministère si l’Etat considère qu’un membre de la direction, par son comportement, " vise à remettre en question les valeurs britanniques fondamentales telles que la démocratie, le respect de la loi, la liberté individuelle, le respect mutuel et la tolérance à l’égard de ceux qui ont une religion ou des croyances différentes ". [...]"
Lire "L’Angleterre dans le piège du communautarisme scolaire".
Lire aussi Royaume-Uni : "Halte à l’islamisation des écoles !" (Elaph / Courrier international, 7 mai 14), "Le noyautage d’écoles publiques à Birmingham par des islamistes provoque un scandale politique" (lemonde.fr , 10 juin 14), “David Cameron dénonce l’échec du multiculturalisme en Grande-Bretagne” (AFP, 5 fév. 11) (note du CLR).
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