Revue de presse

"L’aide au suicide devant la justice" (Le Monde, 7 mai 22)

7 mai 2022

[Les éléments de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Le parquet a fait appel du jugement de relaxe rendu, lundi 2 mai, par le tribunal d’Angers.

Par Pascale Robert-Diard

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[...] L’aide au suicide n’étant pas une infraction pénale, une information judiciaire est d’abord ouverte pour « tentative d’assassinat » et « assassinat », et le vétérinaire placé sous le statut de témoin assisté. Après quelques mois d’enquête, et alors que le juge d’instruction se dirige vers un non-lieu, le parquet délivre un réquisitoire supplétif sur les seuls délits de « faux » et « usage de faux » susceptibles d’être reprochés au prévenu. [...]

La procureure requiert quatre mois avec sursis contre le vétérinaire. Mais la défense, menée par Me Antoine Barret, entend porter le débat bien au-delà de cette infraction. « Poursuivre ces prescriptions ou fausses ordonnances constitue une manière de poursuivre indirectement l’aide au suicide que le législateur a écartée du champ du droit pénal », observe l’avocat dans ses conclusions.

A l’appui de la demande de relaxe de son client, il invoque le principe de l’état de nécessité, à savoir « une situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n’a d’autre ressource que d’accomplir un acte défendu par la loi pénale ». L’origine de ce principe, bien connue des juristes, est une décision rendue en mars 1898 par le président du tribunal de Château-Thierry (Aisne), Paul Magnaud, en faveur de Louise Ménard, une mère accusée d’avoir volé du pain pour nourrir ses enfants. La notion inventée par le « bon juge Magnaud » est entrée dans le code pénal près d’un siècle plus tard. « N’est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace. »

Les faux reprochés au vétérinaire, plaide Me Barret, ont eu « pour unique but de faire échapper le malade au danger auquel il était exposé », en l’espèce « des souffrances d’une intensité particulièrement cruelle, ayant un caractère à la fois imminent et inéluctable » (perte d’autonomie, paralysie progressive de l’ensemble du corps, des organes, blocage du fonctionnement des poumons et mort par asphyxie). Un « danger supérieur », soutient-il, à celui de s’infliger soi-même la mort par médicament, selon un procédé choisi par le malade.

Il y a donc bien, affirme Me Barret, une « proportionnalité » entre le péril encouru et l’acte réalisé pour le contrer. Si M. G. n’a eu d’autre recours que de faire appel à un tiers pour échapper au sort que la maladie lui réservait et si le prévenu a dû enfreindre la loi pour lui venir en aide, poursuit l’avocat, « ce n’est que par la seule raison de la démission de l’Etat face à la question de la fin de vie choisie, et à l’insuffisance du débat public et de la représentation nationale à traiter cette question ».

L’intérêt sauvegardé était-il supérieur à l’intérêt sacrifié ? A cette question, les juges ont répondu par l’affirmative. Après quelques dizaines de minutes de délibéré, la présidente Gaëlle Guernalec a prononcé la relaxe du prévenu, en indiquant que le tribunal faisait siennes les conclusions de la défense et retenait l’état de nécessité. Une interprétation extensive de ce principe, contestée par le parquet, qui a fait appel de cette décision. « On ne peut pas changer la loi tout seul dans son coin », estime le procureur Eric Bouillard. La discrète affaire de « faux » et « usage de faux » du tribunal d’Angers est d’ores et déjà destinée à nourrir de longs et âpres débats dans et hors les enceintes judiciaires."

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