Revue de presse

« L’affaire Griveaux, un signe de décivilisation » (V. Tremolet de Villers, lefigaro.fr , 14 fév. 20)

Vincent Tremolet de Villers, rédacteur en chef au "Figaro". 15 février 2020

[Les articles de la revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

"Quand les égouts remontent, débordent, leurs eaux noires n’épargnent rien ni personne. La France entière, ce vendredi, s’est réveillée avec, sous les yeux, les ricanements glaçants de la dénonciation, la laideur crue de l’exhibition. Devant une telle misère, la première tentation est celle de la fuite. Quitter ce cauchemar. Benjamin Griveaux, sans tergiverser, a fait ce choix. Il a renoncé. Victime d’un délateur enragé, d’une meute anonyme, il a éprouvé la violence invraisemblable d’une époque qui, tout en prenant des airs avantageux, tourne à la barbarie. La transparence, désormais, se moque des précautions les plus élémentaires : elle joint la force de l’image à celle de la répétition obsessionnelle. Les corbeaux volent sur Twitter : ils ne se cachent plus pour détruire. Le pilori médiatique s’affranchit de la vie privée, des droits de la défense, de la loi même. Ce qu’a fait Griveaux n’est pas illégal, ce qu’il a subi (la publication en ligne d’une vidéo intime) tombe sous le coup de la loi. On s’en moque : « Griveaux salaud, les réseaux auront ta peau ! » Cette histoire est un signe de plus du processus de décivilisation dans lequel nous sommes collectivement emportés.

Pas de dérobade : les réseaux sociaux, dans cette affaire, ne sont pas les seuls coupables. C’est la dégradation du politique qui, à travers la loupe du numérique, apparaît sous nos yeux. Si le « nouveau monde », dont Benjamin Griveaux fut l’un des chantres, n’avait pas fait commerce « de l’indignation hypocrite » (Philip Roth), l’ancien ministre aurait sans doute pu se défendre plus vigoureusement. Si nos ambitieux cessaient de désapprendre la franchise, la loyauté, les sacrifices qu’exige la vie publique, qu’ils ont remplacés par l’onctuosité cynique et le narcissisme adolescent, nous aurions sans doute évité ce cirque désolant. Et puis, disons-le : si la décence commune chère à Orwell n’avait pas été tournée en ridicule, cette vidéo tristement houellebecquienne n’aurait jamais existé. Ce dévoilement anatomique est un symptôme : celui d’une faille morale doublée d’une sidérante inconscience politique."

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