... et le maccarthisme. 10 novembre 2017
"Kevin Spacey a été effacé du prochain film de Ridley Scott. Une mise à mort visuelle qui rappelle les plus belles heures de la propagande soviétique.
[...] On a annoncé que Kevin Spacey, bien qu’il eût déjà tourné ses scènes, serait effacé du dernier film de Ridley Scott, où il interprétait J. Paul Getty III, le milliardaire qui refusa de payer une rançon aux kidnappeurs de son petit-fils en 1973, et remplacé par le vieil acteur canadien Christopher Plummer, pour l’instant au-dessus de tout soupçon. Depuis qu’il a été accusé de harcèlement sexuel, Spacey fait littéralement tache sur l’écran. Qui irait voir fin décembre un film dont l’un des protagonistes traîne une telle accusation ? Pour sa malchance, il y incarne l’une des figures majeures du XXe siècle américain, icône d’une famille qui a pu peser dans le processus de décision. Désormais, Spacey est un vrai pestiféré. L’opprobre jeté sur lui risque de contaminer tout le reste du film, de l’infester, de lui porter la poisse.
Il y a ce qu’on appelle à Hollywood les « box-office poisons ». Spacey n’est plus un poison, c’est une arme de destruction massive. Les producteurs de Ridley Scott ont donc pris une mesure de « santé publique » et financière. Il se niche là une terrible ironie quand on sait que le film a pour titre Pour tout l’argent du monde et que Getty, refusant de payer, avait reçu une oreille coupée de son petit-fils. C’est son interprète qui a été coupé à son tour, dans son entier. Jamais, on n’avait ainsi éliminé un acteur d’un film, sinon dans le cas d’un décès où il avait fallu parfois retourner avec un nouveau comédien. Une manière « élégante » de signifier donc à Kevin Spacey qu’il est mort. Final Cut. On peut évidemment condamner les actes dont il s’est rendu coupable, on reste saisi par la violence inouïe d’un système qui sacrifie sur l’autel du veau d’or l’un de ses enfants chéris. Du Capitole à la roche Tarpéienne... Gageons que la version originale, non censurée, circulera sous le manteau avec un certain succès, telle une œuvre du diable.
Pour des questions d’idéologie, de morale ou d’argent, l’infamie a donc pris au fil du temps diverses formes, en plein – la lettre, la rouelle, l’étoile – ou en creux – l’effacement. Il est amusant de constater qu’Hollywood, sur ce plan-là, n’agit pas autrement que Moscou à ses plus belles heures. Maintenant, la question est la suivante : va-t-il falloir effacer Kevin Spacey de tous les films où il a joué ? Imaginons American Beauty sans Spacey, qui jouait justement le modèle déviant du pater familias.... La réponse est évidemment dans la réponse. Les enjeux financiers ne sont pas les mêmes. Quand l’argent tient lieu de morale..."
Lire "Kevin Spacey, ou quand Hollywood fait aussi bien que le communisme".
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