(Le Point, 11 av. 24). Kamel Daoud, écrivain, Prix international de la Laïcité 2020 13 avril 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
Lire "Agression de Samara : la double solitude de la mère".
"La mère de Samara, la jeune collégienne agressée à la sortie de son école à Montpellier, parla deux fois et, surtout, nomma la même chose. La première fois, elle fit dans la colère : sa fille venait d’être attaquée pour sa façon de vivre, celle de ce pays : libre, jeune, colorée, hors de la catégorie morbide, confessionnelle, et en infraction à la règle de l’auto-apartheid communautaire. Sa mère explosa de rage et de colère. Elle nous dit aussi tout de suite l’essentiel : la solitude de ceux qui déclarent « non » à la prise d’otage communautaire ; la lâcheté de ceux qui répètent « pas de vagues » ; et l’émotion face à cet état des lieux du pays, engagé dans une guerre déséquilibrée, subissant une subversion, faisant des concessions dangereuses dans la tranchée décisive de l’école. Ici, tout se joue, en effet, dans l’enfance. Les « parrains » du séparatisme islamiste, comme leurs pairs dans les autres monothéismes, veulent contrôler la sexualité, puis l’accouchement, ensuite l’éducation et, enfin, la mort. Dans l’ordre de la prédation. On le sait tous.
À la porte de l’école, la mère de Samara a donc lancé qu’elle était en colère, seule, sa fille également – et que la République doit se manifester là, immédiatement, puissamment, dans le « muscle ».
Plus tard, dans une émission TV, la même mère fit acte de repentance et de contrition communautaire, en lisant un texte écrit, préparé, sur son téléphone. On y retrouve les thèmes de la rééducation culturelle communautaire : non à la récupération, non à la stigmatisation de la communauté d’origine ; la profession de foi, la dénonciation de l’instrumentalisation ; le fait de répéter que « nous sommes une famille musulmane », que « [sa] fille accomplit ses cinq prières », le ramadan, etc., et qu’on ne doit pas « salir notre religion ».
Que se passa-t-il entre hier et avant-hier ? Rien, justement. La maman exprima l’essentiel, toujours, et qui demeure sous les yeux : le rapport de force n’est pas en faveur de la République, mais de ceux qui s’y opposent. Ils peuvent agresser, frapper, imposer leur loi et dicter les textes. La mère craignait pour sa fille, sa propre vie, sa vie quotidienne.
Au fond, il s’agit deux fois de la même déclaration : on a peur. Et ceux qui cherchaient, à bas prix, une icône du mal-être français sont déçus comme le sont les spectateurs du martyr qui se défausse et n’allume pas le feu de son bûcher. Et ceux qui veulent montrer leurs muscles sur la scène médiatique ont réussi à transmettre le message de la terreur.
Cette femme a dit qu’elle refusait cette loi du communautaire confessionnalisé, puis elle a dit qu’elle se soumettait à cette loi. Au fond, elle a affirmé qu’il y a deux lois en France parfois, et que l’une d’elles apparaît plus forte et menaçante que l’autre. Si on y ajoute le conflit de loyauté – dans le berceau duquel viennent au monde les membres des communautés maghrébines musulmanes, sommés atrocement de choisir entre une mémoire et une terre –, la déchirure du choix à faire, l’obligation de nourrir la différence pour espérer obtenir les miettes d’une appartenance, la mémoire de la guerre coloniale sublimée ou niée, les fausses racines comme autant de faux cils, la culpabilité, la lâcheté, le racisme, la promptitude dans le déclinisme… on comprend la solitude de cette femme, incarnée en deux séquences. Deux scènes contrastées ? Non, une fois de plus. Ce sont les mêmes mots.
La règle du silence et de la censure est apparue plus forte. Voilà. Et c’est d’ailleurs plus expressif pour ceux qui ne savent pas lire entre les mots ni entre les coups ni entre les corps des otages."
Voir aussi dans la Revue de presse le dossier Samara tabassée parce que "mécréante" (avril 24) dans la rubrique Islamisme (note de la rédaction CLR).
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