(Le Point, 25 juil. 24). Kamel Daoud, écrivain, Prix international de la Laïcité 2020 27 juillet 2024
[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]
"Que faire si les Insoumis prennent le pouvoir ? « Je quitte la France », jurent-ils. Eux, ce sont les refuzniks du populisme ambiant ou de la « venezuelation » : chefs de petites entreprises, riches, bourgeois, libéraux ou républicains. C’est un peu le geste du dépit électoral. En 2016, lorsque Trump grimpait lentement les escaliers du pouvoir aux États-Unis, la chanteuse Cher, Samuel L. Jackson, Stephen King, Barbra Streisand, Miley Cyrus… avaient annoncé leur intention de déserter l’empire. Ils ne l’ont pas fait.
Cela révéla plus encore le côté malsain et agaçant, dans son effet de manche, de ce dépit amoureux qui imitait trop la dissidence politique pour savoir ce que c’était et ce qu’elle coûtait dans le monde réel. [...]
De ce même frisson, on découvrit, au printemps, l’autre versant : on quitterait la France aussi parce qu’elle devient islamophobe. Cela a provoqué l’extase de certains éditorialistes qui réinventèrent presque la culpabilité coloniale, sinon infanticide, supposément accolée à la France : cette dernière allait donc mal, selon eux, pays du goulag identitaire, des camps de concentration contre les musulmans innocents, contre les étrangers. Un scénario trop bien ficelé.
La réalité, gonflée à l’hélium des interprétations, est plutôt que, souvent, des surdiplômés quittent le pays pour arriver là où on paye mieux. Ils ont bénéficié de la scolarité et de la manne sociale de la France pour se former et se diplômer, justement. On a présenté la hijra vers les pays musulmans comme un dépit amoureux pour bien cacher qu’elle ne se faisait pas vers le pays d’origine mais vers les heureuses principautés du Golfe, ou vers l’« Anglo-Saxonie », où l’empire n’est pas aussi violemment contesté par les euro-islamistes que la République ici. Là aussi, on a souvent menti, on s’est mis en scène, on a exagéré le décompte et l’état des lieux. [...]"
Comité Laïcité République
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