Jacqueline Costa-Lascoux, directrice de recherche au CNRS, associée au CEVIPOF, Sc po Paris. 3 février 2018
Le net est un redoutable outil de propagande aux mains des extrémistes. La rapidité de diffusion, l’ampleur de l’audience, le ciblage des internautes par les algorithmes, l’interactivité sous couvert d’anonymat. Il permet de toucher les plus désenchantés et les plus vulnérables dans leur intimité, il étend son influence en multipliant les connexions en réseau tout en laissant croire à chacun qu’il est l’objet unique de l’attention. La toile devient ainsi l’univers où se projettent les frustrations et où se déploient les rêves, parfois les plus délirants. L’emprise mentale prospère sur la victimisation de ceux qui se sentent humiliés, atteints dans leur dignité et leur identité. La religion surgit souvent au cœur de cette blessure.
Les pouvoirs publics tentent de lutter contre le cyber-endoctrinement, notamment en bloquant certains sites. Toutefois, la fermeture d’un site risque d’entraîner l’ouverture de plusieurs autres. Et, surtout, la liberté d’expression est la raison d’être des réseaux sociaux : elle s’oppose à des interventions intrusives. Comment analyser ces nouvelles formes d’embrigadement chez des jeunes qui restent plusieurs heures devant leur écran ? Certainement en aidant à construire un ensemble de défenses contre la manipulation, en apprenant à décrypter les messages, à exercer son esprit critique, à argumenter et débattre sur le sens des paroles et des actes de propagande… et d’abord à comprendre.
Le travail mené avec l’association Olympio dans les Yvelines, l’Essonne, le Val-de-Marne, les départements normands, sur le cyber-endoctrinement chez les jeunes internautes révèle les réticences des adultes à se pencher sur ce que regardent les adolescents [1]. « Cela n’est pas dans mes références culturelles », « Cela nécessiterait une requalification technique que je ne suis pas prêt à engager », « C’est pour les ados, c’est leur univers, je n’ai pas le temps de m’amuser » « Cela me fait peur, je ne veux pas finir sur le fichier des signalés ». Pour aborder la question du cyber-endoctrinement, il est donc nécessaire d’inciter les adultes à se confronter à un monde qu’ils redoutent et qui est pourtant familier à la majorité des adolescents.
Une démarche originale
Les actions de sensibilisation réalisées avec l’association Olympio [2], dans le cadre des politiques de prévention de la « radicalisation », ont touché plusieurs milliers de personnes, dans une trentaine de villes, depuis novembre 2015. Les séances avec des élus, des éducateurs, des associatifs, des parents, des animateurs, des élèves, se sont déroulés sur des journées entières, par petits groupes, dans des Maisons de quartier, des établissements scolaires, des mairies, des lieux institutionnels ou associatifs.
Dans un premier temps, l’animation consiste à libérer la parole et à susciter des débats en visionnant un support audiovisuel réalisé par trois game designers s’inspirant de jeux vidéo, clips, films, réseaux sociaux et sites propagandistes. Le décryptage du graphisme, de la bande son, du montage des images, des thèmes abordés permet de mieux saisir leur impact sur ceux qui les regardent en boucle. Dans un deuxième temps, les participants sont invités à monter des saynètes sur les situations dont ils ont à connaître dans leur vie quotidienne – « en vrai » - ou sur des cas cités.
Le thème général proposé s’intitule Jeunes sous emprise et le propos est d’analyser la relation aux écrans, telle qu’elle peut apparaître sous forme d’une véritable addiction. Les mécanismes du cyber-endoctrinement sont étudiés avec l’analyse des stéréotypes et archétypes véhiculés par les écrans. Un parti pris : aucune référence, dès l’abord, à la religion.
Les différentes étapes du processus d’emprise sont caractérisées par des mots-clés marquant les changements d’attitudes ou de postures des internautes. Dans toutes les réunions, les participants ont exprimé, dès la bande annonce, le désir d’aller plus avant dans le visionnement du support audio-visuel, avouant l’attrait que cela exerçait sur eux. Un comédien professionnel anime le débat tout en favorisant une certaine distanciation pour éviter des implications personnelles trop fortes. Les échanges sont ponctués d’informations sur le net, sur des données sociologiques et juridiques, et des pratiques observées sur d’autres territoires [3]. Les études de cas et les saynètes, choisies par les participants, sont l’occasion d’une expression libre sur les difficultés du quotidien. Les participants donnent leur interprétation des faits, leurs opinions, critiques ou suggestions. Un verbatim est établi. Par ailleurs, pour ouvrir le dialogue avec les lycéens et les collégiens, des journées d’animations scolaires sont organisées, à partir des mêmes supports (plusieurs centaines d’animations ont eu lieu avec l’appui des rectorats, des CAF, des Conseils départementaux et des préfectures).
Les premiers enseignements
Les séances auprès des adultes ont fait apparaître des points importants, similaires d’une ville à l’autre, malgré les différences notables de l’environnement local et de du profil des participants. Ces enseignements ont été complétés par ceux collectés lors de formations auprès d’éducateurs spécialisés et de Juges des enfants, lors de rencontres avec des bailleurs sociaux et des élus, avec des psychiatres tunisiens et algériens.
Le parti pris initial était de ne pas parler de confession ou de radicalisation (seulement de cyber-endoctrinement, de « jeunes sous emprise »). Pourtant, dès les premiers échanges, les participants firent référence à la radicalisation religieuse et les saynètes sur les thèmes choisis par les participants furent centrées sur des pratiques se réclamant du culte musulman (femmes voilées, refus des hommes de serrer la main d’une femme, revendication de temps de prière, refus de se joindre à une fête d’anniversaire, d’écouter de la musique, de sortir avec une fille non-musulmane, de participer à des activités mixtes…). L’irruption des pratiques liées à l’islamisme fut un enseignement majeur, reconnu non sans gêne par tous les participants, ceux qui se déclaraient musulmans ou ceux qui affirmaient leur volonté de ne pas stigmatiser les musulmans, de ne pas céder à « l’islamophobie ».
Ce premier constat s’est accompagné d’autres observations. Tout d’abord, le grand désarroi, la « sidération » des professionnels, des éducateurs, des associatifs, des parents, face à des situations qu’ils ne comprennent pas. La prise de conscience d’une possible fracture générationnelle au-delà de l’apparente familiarité de la vie quotidienne, semblait difficilement acceptable à ceux qui prônaient la communication avec les jeunes comme le remède aux accrocs de la vie adolescente. Parallèlement, tous les adultes ont exprimé, à quelques rares exceptions près, un manque d’information sur les attitudes à adopter, sur les dispositifs actuellement mis en place, y compris le Numéro vert, relativement peu connu ou qui est parfois associé à un signalement voire, par certains parents, à une « dénonciation », aux autorités, une délation : « Je ne vais pas dénoncer mon enfant à la police. Je ne suis pas une balance ».
Autre constat, la demande de solutions rapides. Chacun attend une liste précise de « signes d’alerte » et un « kit de bonnes pratiques » qui permettraient une intelligibilité immédiate des faits et laisseraient espérer des réponses pouvant endiguer le phénomène, aussi bien pour des cas individuels que collectivement. S’ajoute à cela l’idée répandue que, lorsqu’il s’agit d’une radicalisation religieuse, les solutions ne peuvent venir que de « bons docteurs » partageant la même confession et donc « en mesure d’expliquer aux jeunes embrigadés que ce qu’ils voient sur les écrans n’est pas la vraie foi ». Cet espoir est naïf. La réponse n’est évidemment pas théologique, même si la connaissance des sources religieuses est susceptible d une réflexion critique. En vérité, les facteurs de la radicalisation sont multiples et le processus est intimement lié à des archétypes et aux ressorts psychologiques des idéologies totalitaires, confessionnelles ou non. La réponse ne peut être que citoyenne et républicaine.
L’emprise, un processus partiellement invisible
Le processus d’emprise s’observe chez des jeunes de milieux différents, chez des garçons ou des filles : il n’y a pas de profil type. En revanche, on observe plusieurs étapes qui obéissent à une véritable programmation. En grande partie invisible à l’entourage, le processus se caractérise par quatre faits récurrents : la rapidité de la radicalisation par le cyber-endoctrinement (parfois une ou deux semaines suffisent) ; l’aveuglement de l’entourage, qui « n’a rien vu venir » ; le rôle déterminant des applications sur les smartphones, plus efficaces que les leçons des parents ou les prêches du religieux local ; l’influence des fratries et des fraternités virtuelles du net.
En travaillant sur les sites, les jeux vidéo, les clips, on mesure la fascination de l’image, du son, des montages, qui renforcent la logique manichéenne du bien et du mal, du pur et de l’impur, du croyant et de l’impie, du soldat de Dieu et de l’apostat. Une logique binaire qui se nourrit de deux terreaux fertiles : la victimisation et le complotisme. Les clichés prennent appui sur des archétypes, auxquels toutes les religions ou les idéologies ont eu recours : la lumière qui surgit des ténèbres, les éclairs qui suggèrent la création et la puissance, des guerriers exhibant des armes et portant une cape ou un habit qui ne permet pas d’identifier une personne, la main tendue vers celui qui se sent humilié, le noir de la mort salvatrice et purificatrice, le blanc de la sainteté… Le virtuel confère à ce symbolisme une universalité qui peut atteindre des jeunes de cultures différentes. Mais si les archétypes sur lesquels s’appuie l’embrigadement ont traversé les siècles, il est remarquable que le graphisme et les codes visuels utilisés pour le cyber-endoctrinement sont largement inspirés des films et des séries de science fiction, de recueils de BD tel Marvel. Curieusement, les sites djihadistes reproduisent, dans leur graphisme et leur bande son, les spots destinés à l’enrôlement dans l’armée américaine !
Citons des phrases clés recueilles sur les sites : « Toi qui est isolé, humilié, je te reconnais » ; « Tu vas découvrir un monde sans corruption, ni perversion, ni injustice, un monde de fraternité » ; - « Il te faut rompre avec tes amis, ta famille, ton identité (en changeant d’apparence et de nom) » ; - « Tu deviendras alors un héros, un homme nouveau » ; - « Tu porteras la promesse d’un monde purifié, transformé, et ton martyr ouvrira les portes du Paradis à toi et à ta famille » ; « Avec nous, tu terrasseras le dragon du Mal, les feux de l’enfer ». Les professionnels eux-mêmes se prennent vite au jeu de ce genre de Star Wars ou de Matrix. Le cyber-endoctrinement a quelques années d’avance sur nos méthodes pédagogiques ; il jour sur l’émotionnel, le symbolique et les fantasmes !
L’un des fils rouges de cet embrigadement est l’image d’un univers fortement sexué, où l’homme « viril », le guerrier, a besoin d’une femme à sa dévotion, « sa perle », sans laquelle il n’y aurait pas de héros ni de martyr. Parfois, la femme, surtout si elle a été « souillée », peut accéder au statut de martyr, en donnant sa vie. La place croissante des filles sur le net montre une extension du cyber-endoctrinement par des méthodes de propagande spécifiques, avec un jeu de persuasion fondé sur des représentations sexuées valorisées. La complémentarité dissymétrique est fondatrice d’un intégrisme religieux, qui prétend combler le mal être des adolescentes. Les jeunes filles rêvent du prince charmant et d’offrir leurs services à une cause humanitaire : elles préfèrent l’illusion du choix (sur photo) au choix réel qu’elles ont dans une société démocratique. Mais il est vrai que l’enfermement dans les quartiers accentue ce paradoxe « « Vous croyez que les mecs de mon quartier me font rêver ! » Les manipulateurs ont alors beau jeu d’utiliser les traditions : « Ne cherche pas l’égalité qui est l’indifférenciation. Affirme ta dignité dans la complémentarité de l’homme : tu seras la femme du héros et tu lui donneras une descendance pour la propagation de la foi ». La répartition des rôles donne des repères, un semblant d’intelligibilité de soi et du monde, une apparence de loyauté aux ancêtres. Les adeptes acquièrent ainsi une identité qui les prémunit contre une alliance avec un mécréant.
Les étapes de l’embrigadement
L’endoctrinement se présente comme un chemin initiatique, marqué par des épreuves, qui sont autant d’étapes vers la naissance d’un « homme nouveau ».
1. La première étape est celle de la séduction. Le repérage se fait par le moyen d’algorithmes permettant de cibler progressivement un noyau de personnes à la recherche d’un « ailleurs », d’une autre vie. C’est la métaphore du pêcheur qui jette son filet pour attraper quelques poissons. Le ciblage prend en compte une batterie de critères qui vont de caractéristiques psychologiques et familiales à des différences culturelles, linguistiques, de genre, des trajectoires migratoires…il utilise des langages différents et certains sites visent plus particulièrement les filles, les convertis, les étudiants. Cette première phase de la séduction joue sur l’isolement, sur des failles narcissiques, l’ennui de soi et du monde, les addictions. Elle reste le plus souvent invisible, car elle a besoin du secret pour manipuler la personne dans son intimité.
2. La deuxième étape de l’embrigadement requiert l’implication du manipulé, qui va devenir à son tour manipulateur. Elle est celle du prosélytisme visible qui recourt à des attitudes, des gestes, des paroles, une apparence, destinés à être remarqués. Des applications sur les smartphones servent d’aide-mémoire pour indiquer la liste de ce qu’il est permis ou interdit de faire, ce qui rapporte des points pour aller au paradis et ce qui en fait perdre. L’endoctrinement demande alors à l’internaute de devenir à son tour manipulateur en l’alimentant de slogans et de réponses-types, en indiquant les lieux où se montrer et où tester la résistance des impies. Le manipulé/manipulateur se sent choisi, « élu ».
Les signes visibles de l’implication sont récurrents : changements d’apparence physique (maigreur, barbe), de vêtement (djellaba, niquab, pantalons au dessus des chevilles et qui « ne montrent pas l’entrecuisse »), de modes de vie (enfermement dans sa chambre) ; respect formel de prescriptions et de rituels (nourriture, prières, jeûne). Ces changements visibles s’accompagnent de comportements en rupture : décrochage scolaire, abandon d’activités de loisirs ou sportives (sauf les sports de combat) ; éloignement de l’entourage, des anciens copains et copines ; refus de serrer la main d’une personne d’un autre sexe ou d’un mécréant (geste qualifié de « symptôme de schizophrénie » par une psychiatre tunisienne) ; refus de la mixité ; rupture avec la famille ; transformation de la personnalité tel le renoncement à la séduction, l’absence de coquetterie (« on s’enlaidit sciemment ») ; la perte du sens de l’humour, de l’esprit critique et l’interdiction du rire. Si certains de ces signes rappellent des provocations adolescentes, les changements opérés par un processus de radicalisation participent d’une transformation profonde de la personnalité.
3. La troisième phase est celle de la dissimulation, l’effacement de toute manifestation extérieure. La personne, déterminée dans son engagement, se « fond » dans l’environnement pour mieux agir. C’est l’étape de la taqiya (dissimulation) où il s’agit de « tromper l’ennemi de la foi ». S’arrêter à qualifier la radicalisation à travers quelques signes visibles est donc en partie un leurre, alors que le moment le plus irréversible et dangereux ne se voit pas : « Il était gentil, il tenait toujours la porte et il sortait avec des filles, je ne comprends pas » disent les voisins. La crainte de se signaler conduit, aujourd’hui, à entrer plus rapidement dans cette troisième phase. Le cyber-endoctrinement peut favoriser des passages à l’acte en quelques jours. La rapidité de l’élément déclencheur rend le phénomène particulièrement difficile à détecter. Lors de la troisième phase, les recrutés sont aux ordres. Ils peuvent commettre des actes graves ou former le « deuxième cercle » de ceux qui fournissent un appui logistique aux auteurs d’agressions. Ils n’ont plus besoin de partir dans un pays éloigné, ils peuvent agir sur le territoire national et, de plus en plus, « infiltrer » les institutions ou les organismes en contact avec des jeunes.
Le terreau fertile de la radicalisation
La radicalisation est donc un processus de rupture qui a pour but la transformation de soi et la transformation du monde, quels que soient les moyens pour y parvenir, y compris la violence jusqu’au terrorisme. Pour se développer, elle a besoin d’un terreau fertile qui réunit un ensemble d’éléments : la victimisation, le complotisme, le rejet des valeurs républicaines et de la laïcité.
1. La victimisation chez ceux qui se sentent peu reconnus, discriminés ou humiliés par la société, par l’école, favorise l’endoctrinement. Mais l’attitude victimaire est ambivalente : certains revendiquent d’être « stigmatisés » pour exister en renvoyant en miroir la culpabilité à « l’homme dominant », la responsabilité à la « société occidentale » ; d’autres, à l’inverse, cherchent le chemin initiatique du héros combattant. Les jeunes radicalisés rejettent la première attitude et la condescendance de ceux qui les assignent à une identité de « victimes de la société », ils veulent devenir des acteurs de leur vie. La question est alors posée du comportement des professionnels et des associatifs, qui, avec de bonnes intentions, entretiennent les images conjointes de l’exclusion et de la compassion. Le regard condescendant est jugé insupportable par les jeunes entrés dans un processus de radicalisation. Entre la bienveillance et le paternalisme, il n’y a qu’un pas. Celui qui possède le savoir, qui exerce le pouvoir, qui est bien « assis » et arbore son paternalisme, est honni - les « idiots utiles » n’ont pas compris que leur crainte de stigmatiser les jeunes des « quartiers » est ridiculisée et rejetée par ces mêmes jeunes. Et c’est là où se noue le lien avec la théorie du complot : « On vous ment », « Les choses ne sont pas telles qu’elles apparaissent » : les radicalisés se veulent des « chercheurs de vérité » pas des assistés.
2. Le recours fréquent à la « théorie du complot » est utilisé pour justifier la recherche d’une vérité qui serait « ailleurs », et révèlerait « les mensonges » des médias et des puissants. Le « complotisme » entretient une paranoïa qui favorise le projet d’actions destructrices et mortifères contre « une société du mensonge ». La violence devient alors une catharsis. Mais il permet aussi de se sentir distingué, « d’être dans le secret ». Le complotisme est fréquemment alimenté par un antisémitisme qui s’exprime avec virulence, mêlé à la dénonciation des illuminati, des banquiers, des francs-maçons, de la CIA…La récurrence des images archétypales du complot est étonnante. Elle rassure ceux qui ont été traités de « nuls » à l’école et qui se croient au dessus des lois. Désormais, ce sont eux qui sont dans le vrai ! Avec la théorie du complot, ils se distinguent des autres, arborent le savoir occulte et prédisent « l’avenir sombre d’un monde dépravé », « l’apocalypse ». « Ils savent, les autres sont ignorants ».
3. Le rejet du pluralisme des convictions, considéré comme de l’impiété, et de la laïcité, entendue comme une série d’interdits « islamophobes » font le lit de l’embrigadement. Celui-ci se veut la réponse à une série d’interrogations qui n’ont pas été entendues, à une quête de vérité qui n’a pas été satisfaite, à une initiation aux valeurs qui n’a pas été engagée. Cela s’accompagne fréquemment d’un discours sur la dégradation des mœurs, la corruption des politiques, la vanité de la société de consommation. Et les intellectuels, les élus, les éducateurs, qui se croient obligés de dénigrer systématiquement les valeurs de la République, pour prouver leur liberté de pensée et leur compassion à l’égard des « damnés de la terre », développent en fait le tapis rouge sous les pas des nouveaux dictateurs, à l’instar de la fin de la République de Weimar. Certains discouraient pendant qu’Hitler utilisait la propagande par l’image et le son, le symbolisme et les fantasmes.
Nous sommes tous partie prenante de la prévention du cyber-endoctrinement : l’éducation nationale, la culture, les médias, les politiques, les parents. Arrêtons de feindre la découverte du phénomène, de nous servir d’alibis pour nier les ravages de la victimisation auprès de jeunes que l’on enfonce dans l’échec, d’ignorer les liens entre antisémitisme et complotisme comme lors de la sortie du dernier sondage sur le Conspirationnisme commandé par Conspiracy Watch et la Fondation Jean Jaurès, cessons d’accréditer les interprétations fumeuses de l’islamophobie à chaque dénonciation des pratiques liberticides commises par des intégristes. Le net ne doit pas conduire à la forclusion du débat démocratique. Il peut aussi montrer la beauté de la complexité du monde.
[1] Une étude récente du Centre Hubertine Auclert montre un phénomène semblable concernant la sexualité. Les filles sont 1,5 à 2 fois plus touchées par le cybersexisme que les garçons.
[2] Olympio est une association qui développe des outils destinés à des débats avec des jeunes et avec des adultes sur les grandes questions liées à la citoyenneté. Elle touche environ 150 000 personnes par an. contact@olympio.fr
[3] Proposés en ma qualité de chercheure au CNRS ayant la triple formation de juriste, sociologue et psychanalyste.
Voir aussi la rubrique "Déradicalisation" dans Djihadistes français et/ou en France (note du CLR).
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