Revue de presse

"Jean Zay nous écrit" (Riss, Charlie Hebdo, 13 mars 24)

(Riss, Charlie Hebdo, 13 mars 24). Riss, directeur de "Charlie Hebdo" 17 mars 2024

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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Lire "Jean Zay nous écrit".

"Le Sénat a publié la semaine dernière un rapport au titre évocateur : « Mission conjointe de contrôle sur le signalement et le traitement des pressions, menaces et agressions dont les enseignants sont victimes ». Cent dix-huit pages d’un premier tome – il y en aura donc un second – pour faire l’état des lieux des agressions commises à l’encontre des professeurs et personnels éducatifs en France. On y parle de « violence endémique » dans les établissements scolaires de tous les territoires, urbains comme ruraux. Dans les réseaux d’éducation prioritaire (REP), 53 % des enseignants ont vu leur enseignement contesté, 23 % dans les communes rurales, 25 % dans les banlieues dites « aisées ». Dans le second degré, entre 2018 et 2019, 900 menaces avec arme ont été dénombrées et 58 500 autres avec ou sans objet dangereux. Les ombres de Samuel Paty et de Dominique Bernard planent sur chaque enseignant, qui craint d’être le prochain nom ajouté à la liste des professeurs assassinés.

« Les écoles doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas », écrivait aux enseignants Jean Zay, ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts du Front populaire, dans sa circulaire du 31 décembre 1936. On cite souvent cette phrase mais on oublie de lire la totalité de son texte, qui ne tournait pas autour du pot comme le font trop souvent les responsables de l’Éducation nationale d’aujourd’hui :

« Certes les vrais coupables ne sont pas les enfants ou les jeunes gens, souvent encore peu conscients des risques encourus et dont l’inexpérience et la faculté d’enthousiasme sont exploitées par un esprit de parti sans mesure et sans scrupule. Il importe de protéger nos élèves contre cette audacieuse exploitation. À cet effet, toute l’action désirable devra être aussitôt entreprise auprès des autorités de police par MM. les chefs d’établissement, les inspecteurs d’académie et vous-mêmes.

On devra poursuivre énergiquement la répression de toute tentative politique s’adressant aux élèves ou les employant comme instruments, qu’il s’agisse d’enrôlements directs ou de sollicitations aux abords des locaux scolaires.[…] Une circulaire de M. le ministre de l’Intérieur, en date du 20 mai 1936, a précisé en cette matière les pouvoirs de l’autorité administrative. Il conviendra, le cas échéant, d’appeler sur ce texte l’attention de MM. les préfets. […]

Toute infraction caractérisée et sans excuse sera punie de l’exclusion immédiate de tous les établissements du lieu où elle aura été commise. Dans les cas les plus graves, cette exclusion pourra s’étendre à tous les établissements d’enseignement public. […] Ceux qui voudraient la troubler n’ont pas leur place dans les écoles qui doivent rester l’asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas. »

Laïcité méconnue
Jean Zay en remit une louche, dans sa circulaire du 15 mai 1937, contre la propagande religieuse : « Il va de soi que les mêmes prescriptions s’appliquent aux propagandes confessionnelles. L’enseignement public est laïque. Aucune forme de prosélytisme ne saurait être admise dans les établissements. Je vous demande d’y veiller avec une fermeté sans défaillance. »

Imagine-t-on de nos jours le ministère de l’Intérieur et les préfets appelés à la rescousse pour faire régner la loi dans les collèges et les lycées, comme le suggérait la circulaire de Jean Zay ? Pour beaucoup, la dimension répressive fait figure d’épouvantail. Mais dans le même temps, la dimension éducative, qui devrait en principe suffire pour transmettre les valeurs de la République, semble se déliter puisque le rapport de mars 2024 qualifie la laïcité de « méconnue » et « mal maîtrisée ». ­

Comment transmettre ces valeurs si les élèves contestent et menacent les professeurs qui le font ? Enseigne-t-on encore les guerres de Religion, la Saint-Barthélemy, l’édit de Nantes, à l’origine de ce qu’aujourd’hui on appelle la laïcité ? Le rapport du Sénat propose 38 recommandations pour lutter contre les menaces qui pèsent sur les profs. Dont la défense et la promotion de la laïcité. Mais comment faire comprendre ce principe si on n’en explique pas l’origine ? L’enseignement de l’histoire est devenu un enjeu stratégique et c’est pour cela que les profs sont devenus des cibles. Leurs connaissances font peur à certains. Et pour les empêcher de les transmettre aux élèves, il suffit de les terroriser ou de les tuer. Une nouvelle guerre scolaire qui ne dit pas son nom."


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