Revue de presse

Jean-Pierre Le Goff : « Nous assistons à l’autodestruction de la politique » (lefigaro.fr/vox , 17 mars 14)

20 mars 2014

"[...] Quelles sont selon vous, les origines et les raisons d’une telle dégénérescence ?

Cette dégénérescence ne date pas d’aujourd’hui. Elle va se développer à partir de l’« ère du vide » des années 1980, qui fait suite à la fin des Trente glorieuses et à la crise des grandes idéologies du passé. La politique se désarticule d’une vision historique et le management, la communication acquièrent alors une importance sans précédent. Par delà leurs aspects fonctionnels, ces activités, dans leur volonté d’être à tout prix modernes et de coller au nouvel air du temps, ont véhiculé le cynisme, le modèle de l’ « argent facile » et la « frime ». L’histoire retiendra que pour fêter le bicentenaire de la Révolution française, le président de la République fit appel à un publicitaire pour organiser le grand défilé des Champs Elysées. Le marché, le management et la communication vont être érigés en modèles de référence et la politique n’y a pas échappé. C’est dans ce contexte, qu’ont été formées de nouvelles générations marquées par le culte de l’ego et le modèle du perpétuel gagnant. La droite et la gauche n’y ont pas échappé.

Chaque semaine, les scandales se succèdent. Après l’affaire Buisson, c’est l’affaire Taubira qui fait désormais la une des journaux, allant jusqu’à éclipser totalement la campagne des municipales. Est-on en train d’assister à l’autodestruction de la politique ?

Ces différentes affaires jettent une lumière crue sur ce qu’est devenue la politique. Les règlements de compte se succèdent entre les camps et à l’intérieur de chaque camp dans une spirale délétère qui a tous les traits d’une autodestruction, au profit de l’abstention et des extrêmes. La scène politique tend de plus en plus à se confondre avec celle des grands médias et des réseaux dits sociaux qui se nourrissent de l’émotion et sont friands des scandales en tout genre. Une partie de la classe politique lui fournit de la matière. On se repasse les affaires de main en main en espérant mettre à bas son adversaire sous l’œil complaisant des médias. La machinerie politico-médiatique s’emballe et personne ne semble en mesure de l’arrêter. Ceux qui se croient les plus malins espèrent en sortir gagnants ou s’en tirer à bon compte. Mais ils se trompent : leur victoire apparente contre l’adversaire, à tel ou tel moment médiatique, peut se retourner comme un gant et ils risquent d’être emportés par ce qui ressemble à l’effondrement d’une classe politique aux yeux de l’opinion. À travers la succession des affaires au fil des ans, le monde politique apparaît de plus en plus comme une caste ou une oligarchie en voie de décomposition, de plus en plus étrangère aux préoccupations des citoyens ordinaires, mais qui n’en continue pas moins de vivre et de se déchirer dans l’entre-soi, et ce, dans une situation historique des plus critiques où le chômage de masse combiné avec l’érosion des acquis de notre héritage républicain a produit de puissants effets de déstructuration. Une France morcelée perd aujourd’hui l’estime d’elle-même à travers le spectacle désolant de la décomposition d’une partie de ses élites.

Si l’on ne reviendra pas en arrière vers un supposé « bon vieux temps », il conviendrait de rompre clairement avec le mélange des genres entre la politique, les affaires et les médias, voire le show-biz. "

Lire Jean-Pierre Le Goff : « Nous assistons à l’autodestruction de la politique ».


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