Colloque du CLR (Paris, 7 mai 11) 6 mai 2011
Résumé
Jean-Pierre Changeux
Professeur honoraire au Collège de France
Toute connaissance est le produit de ce que le philosophe Jean-Toussaint Desanti (1914-2002) appelait notre « appareil de connaissance » c’est à dire notre cerveau. Cela n’implique en aucune manière un parti-pris réducteur mais au contraire une ouverture au monde. En effet les productions de notre cerveau d’Homo sapiens peuvent être conçues comme résultant de la synthèse, constamment réactualisée, de multiples évolutions enchâssées, suivant des échelles de temps variant du million d’années à la fraction de seconde. Ces évolutions par essais et erreurs (variation-sélection) ont lieu en relation avec des mondes extérieur et intérieurs eux-même en constante évolution.
L’humanité se trouve donc issue de deux processus distincts mais en constante interaction : l’évolution biologique (et donc génétique) qui concerne notre espèce dont le cerveau possède des compétences universelles, dont celle de raison, et l’évolution sociale et culturelle (qualifiée d’humanisation) qui s’accompagne d’une diversification épigénétique des mémoires cérébrales et conduites humaines. Cette évolution, elle-même encadrée par une enveloppe génétique, se manifeste par l’invention de multiples normativités linguistique, morale, symbolique et religieuse, politique, juridique, institutionnelle etc, qui varient selon les groupes humains.
Le processus unificateur et universaliste de l’évolution biologique des ancêtres de l’homme s’enrichit des processus relativistes et diversificateurs des humanisations qui s’acquièrent par l’éducation au cours au cours du long développement cérébral qui suit la naissance et caractérise l’Homo sapiens.
De multiples tensions en résultent qui s’accompagnent d’incompréhensions, de replis sur soi et en conséquence de conflits toujours plus nombreux sur notre planète. Deux propositions complémentaires sont examinées : 1. le recours au savoir scientifique dont la visée est l’objectivation critique et constamment renouvelée des connaissances sur le monde et en particulier sur l’homme et ses productions sociales et culturelles ; 2. la mise en place d’une normativité éthique et juridique -définie comme laïque- aux compétences mondiales, qui, à la fois, prenne en compte le relativisme des cultures et se fonde sur l’universalité des compétences du cerveau de l’homme et de ses capacités d’apprentissage.
Références : Jean-Pierre Changeux L’Homme de Vérité 2002 Odile Jacob Paris ; Du Vrai, du Beau, du Bien : une nouvelle approche neuronale 2008 Odile Jacob Paris.
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