Député du Val d’Oise, maire de Gonesse (PS). 27 mars 2015
Il y a pour moi un paradoxe récurrent sur la question de la laïcité qui ressurgit aujourd’hui.Alors qu’il y a eu un véritable sursaut national après les attentats contre Charlie hebdo, que le Premier ministre a prononcé un discours ferme et offensif à l’Assemblée nationale sur la réaffirmation des valeurs de la République et que le Président de la république a indiqué que la laïcité n’était pas négociable, on voit déjà ce fragile consensus s’effriter.
A gauche règne une grande confusion deux mois après les évènements tragiques. Le parti socialiste par l’intermédiaire du communiqué de Laurent Dutheil qui propose de développer l’enseignement privé confessionnel musulman semble marquer une distance par rapport au discours de fermeté jusqu’ici affiché par le Gouvernement.
A cela s’ajoute le récent report de la proposition de loi des radicaux pour appliquer la laïcité aux structures privées accueillant la petite enfance. La secrétaire d’Etat chargée des droites des femmes.
Pascale Boistard a rouvert le débat sur le voile à l’université à la veille de la journée de la femme avant qu’une réplique violente de Jean Baubérot ne soit publiée dans Libération.
A droite il y a une course derrière le FN (proposition d’Eric Ciotti visant à interdire le port de tous signes religieux à l’université).
La proposition de loi des radicaux citée ci-dessus a déclenché de vives réactions comme celles du scoutisme français opposé à l’inclusion dans cette loi de l’abandon des subventions à des mouvements de jeunesse religieux. De son côté, l’observatoire de la laïcité continue à ne pas prendre de positions claires.
Cette situation de confusion dure depuis plus de vingt ans. Il y a plus de dix ans le débat sur le port de signes religieux à l’école à la suite de la mission Debré était l’objet de toutes les polémiques. Jacques Chirac avait déclaré en 2003 à Valenciennes que la laïcité n’était pas négociable. On voit bien que la situation n’a pas évolué.
La France est aujourd’hui en situation « d’insécurité culturelle » (Laurent Bouvet). Comment alors sortir du malaise identitaire français qui est une des causes de la radicalisation des citoyens qui profite au Front national ?
1. Le multiculturalisme est un échec et n’est donc pas la politique à suivre. Une partie de la gauche se trompe en considérant que la reconnaissance identitaire de la diversité est une nouvelle lutte sociale pour l’égalité. C’est un piège qui isole les individus, les enferme, ne permet pas l’émancipation et renforce le repli identitaire des uns et le radicalisme des autres.
2. Le modèle français d’intégration républicain, assimilateur est en panne parce que le peuple est devenu une somme de communautés. Gilles Kepel dans l’ouvrage Banlieues de la République en 2011 explique que les difficultés sont aussi d’ordre social : emploi, éducation …
3. Comment agir contre les fondamentalismes religieux, ces « religions meurtrières » comme les qualifie Elie Barnavi (Les religions meurtrières, 2005) ? Il conclut avec la laïcité « sans laquelle il n’est pas de démocratie possible, il vous faut la défendre bec et ongles sans menaces ni faiblesses » (p. 136).
Est-ce que ne pas souhaiter, vouloir favoriser le port du voile, même l’interdire est une manifestation d’islamophobie ? Oui si cela vient du FN, non si je le dis comme Pascale Boistard parce que nous savons que le voile en Arabie saoudite, en Iran et maintenant en Europe et en France est une référence exclusive aux courants fondamentalistes. Car le foulard n’est pas une obligation canonique mais une manifestation identitaire et de séparation des hommes et des femmes. Le débat doit avoir lieu.
« On a laissé passer trop de choses sur la laïcité » a dit le Premier ministre (discours à l’Assemblée nationale le 13 janvier 2015).
Alors clarifions. Il faut :
1. un principe constitutionnel de la laïcité (engagement de François Hollande en 2012)
2. un véritable observatoire de la laïcité, une mise en œuvre des mesures déjà prises et annoncées, une clarification sur les sorties scolaires
3. faut-il compléter la législation sur la petite enfance et l’université ?
4. en même temps une vigoureuse politique favorisant l’insertion professionnelle, l’emploi des jeunes, l’éducation qui garantisse la promesse républicaine.
5. un service civique national obligatoire.
6. une pédagogie concrète de la laïcité. Les propositions d’Abdennour Bidar pour la fraternité sont intéressantes.
7. concernant l’islam de France et la séparation avec l’Etat : soyons clairs et cohérents. Il faut se poser les questions du financement, de la formation des imams et de la réforme du CFCM. Pour Pierre Rosanvallon : la France de la défection dans les différentes composantes et celle de l’implication. Le 11 janvier n’a été que le rassemblement d’une communauté d’effroi.
Le risque dit terroriste qui nécessite l’autorité mais aussi les valeurs et l’éducation est une menace pour la démocratie et la république et son identité (affaiblissant l’Etat-nation). Il faut renforcer la Nation et la République dans le retour aux valeurs de l’universel et du commun : réaffirmer la laïcité, consolider la sécularisation. Entre la confusion à gauche et les risques populistes il faut une laïcité qui soit de l’ordre politique pour réconcilier la gauche et une réaffirmation de la sécularisation de la société grâce à la lutte contre les inégalités sociales et contre les discriminations pour tous et pas essentiellement pour les identités particulières pour refaire du commun et éloigner le danger populiste.
Comité Laïcité République
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