Revue de presse

"Jean-Marie Le Pen est revenu, il s’appelle Rima Hassan" (E. Gernelle, Le Point, 30 jan 25)

(E. Gernelle, Le Point, 30 jan 25) 5 février 2025

[Les éléments de la Revue de presse sont sélectionnés à titre informatif et ne reflètent pas nécessairement la position du Comité Laïcité République.]

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L’abjection est devenue son métier et, il faut le reconnaître, elle l’exerce consciencieusement. Le 27 janvier, le monde commémorait la libération du camp d’extermination d’Auschwitz, et Rima Hassan, elle, postait sur les réseaux sociaux une affiche du journal suisse Le Courrier – qui fut pétainiste pendant la guerre – barrée de ce titre odieux : « D’Auschwitz à Gaza, plus jamais ça ! », ajoutant la mention « bonne journée ». Pire qu’une provocation, ce titre est bien sûr une profanation. Et la petite touche ricanante de l’eurodéputée de La France insoumise est à vomir.

On ne peut que songer au plaisir manifesté par Jean-Marie Le Pen lorsqu’il commettait ses jeux de mots antisémites – « Durafour crématoire », etc. – et à ses tentatives de relativisation de la Shoah, notamment lorsqu’il a osé dire que les chambres à gaz étaient « un détail » de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale.

La comparaison ne s’arrête pas là. Rima Hassan, qui se complaît à qualifier Israël de « monstruosité sans nom » et à user de la formule « Du fleuve à la mer », qui évoque la destruction de l’État hébreu, ne circonscrit pas sa verve « antisioniste » au Proche-Orient. Elle avait estimé, il y a quelques mois, qu’une position du ministre français des Affaires étrangère avait été prise « à la demande du Crif ». Cette vieille rengaine antisémite qui voit derrière l’action des gouvernements la main des Juifs… On la trouvait déjà dans Les Protocoles des sages de Sion – célèbre faux cité d’ailleurs dans la charte du Hamas –, dans l’ignoble best-seller d’Édouard Drumont La France juive, et elle affleurait souvent dans les propos de Jean-Marie Le Pen.

Rima Hassan semble en outre, comme son aîné, avoir quelques préférences dans le choix de ses cibles. Certains patronymes l’inspireraient-elle ? Quoi qu’il en soit, lorsqu’elle en désigne une, comme ce fut le cas récemment avec la directrice de la communication de France Télévisions, c’est souvent un torrent de haine antisémite qui s’abat sur elle. Évidemment, Rima Hassan n’évoque jamais que le « lobby pro-israélien ». La foule numérique, elle, est moins précautionneuse. Et le procédé se répète, avec une efficacité qui ne faiblit pas, au contraire.

Rima Hassan monte chaque mois d’un cran sur l’échelle de ce que Peter Sloterdijk appelle la « désinhibition cynique ». En témoigne par ailleurs son vote, au Parlement européen, contre une résolution appelant à la libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal. La députée européenne a justifié son incarcération, invoquant l’article 87 bis du Code pénal algérien – lequel ressemble fort à l’article 58 du Code pénal soviétique, sur le fondement duquel Soljenitsyne fut envoyé au goulag – sans le remettre un instant en question. Ce cas est éclairant, car Sansal, âgé de 80 ans, risque tout simplement de mourir en prison. Rima Hassan cautionne donc sans trembler la condamnation d’un homme à la mort à petit feu.

Entre la rhétorique antisémite et la négation des principes essentiels de l’État de droit, Rima Hassan reprend quelques-uns des pires travers du fondateur du Front national. La différence, bien sûr, est qu’elle n’est pas entourée du même « cordon sanitaire ». Tout va plutôt bien pour elle.

Le problème est là : nous pourrions ignorer Rima Hassan, ses obsessions morbides et les fangeux calculs de LFI si l’on ne constatait, en face, l’avachissement de la société ; les complicités idéologiques, en politique comme dans les médias, certes, mais aussi et surtout les arrangements oublieux, les lâchetés intéressées, et, ce qui est peut-être le plus triste, les lâchetés tout court. « Les civilisations meurent comme les hommes, et cependant pas à la manière des hommes, écrivait Bernanos. La décomposition, chez elles, précède leur mort au lieu qu’elle suit la nôtre. » Nous n’en sommes certes pas là, mais les nuques baissées devant la « Jean-Marie Le Pen » de notre époque ne sont pas un spectacle glorieux.


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