"Toujours Charlie ! De la mémoire au combat" (6 jan. 18)

J.-P. Sakoun : "Rien n’effraie plus les intégristes, les fanatiques et les dictateurs, que le rire, les cheveux au vent et la volonté de vivre libre" ("Toujours Charlie !" 6 jan. 18)

Discours d’ouverture, par Jean-Pierre Sakoun, président du Comité Laïcité République. 6 janvier 2018

Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Ministres et anciens ministres, Mesdames et Messieurs les élus, chers amis de Charlie et membres des familles des victimes, Mesdames et Messieurs les membres des associations organisatrices, Mesdames et Messieurs,

Il me revient la charge d’inaugurer cette journée et je mesure l’honneur qui m’est fait.

Les 7, 8 et 9 janvier 2015, les membres de Charlie et des policiers qui tentaient de les protéger ont été assassinés par deux fanatiques ; une policière municipale était à son tour abattue ; des Juifs étaient liquidés par un autre islamiste qui aurait pu servir dans les Einsatzgruppen.

Depuis Ilan Halimi et la traînée sanglante laissée par Merah, nous savions que les semeurs de mort avaient trouvé leur public. Depuis Charlie nous avons la confirmation que désormais plus aucun réflexe humain élémentaire ne retient le bras de ces tueurs.

Mais ils n’ont pas eu raison de nous. Ils n’ont pas tué Charlie. Ils n’ont pas réussi à imposer leur terreur, à nous diviser en attisant la haine raciste. Ils n’ont pas pu imposer à l’immense majorité de nos concitoyens de confession musulmane la séparation dont ils rêvent.

Nous sommes des êtres humains et nous voulons dire que ces morts sont pour nous avant tout nos semblables, arrachés à l’affection des leurs et à notre fraternité. Nous compatissons avec les proches de Frédéric Boisseau, Franck Brinsolaro, Cabu, Elsa Cayat, Charb, Honoré, Bernard Maris, Ahmed Merabet, Mustapha Ourrad, Michel Renaud, Tignous, Wolinski, Clarissa Jean-Philippe, Philippe Braham, Yohan Cohen, Yoav Hattab, François-Michel Saada.

Ils sont aussi devenus des symboles. Les fanatiques ont voulu détruire la liberté de conscience et la liberté d’expression, l’ordre démocratique et républicain, l’universalisme. Ils n’ont réussi qu’à nous rendre plus chers ces trésors de la République laïque.

Il n’est pas de démocratie sans une société pacifique, régulée par des lois, par la justice et la police qui sont les premiers boucliers des faibles contre les forts.

Il n’est pas de République sans liberté absolue de conscience ni liberté d’expression.

Il n’est pas de solidarité, d’émancipation, d’épanouissement de la singularité de chacun, bref de laïcité sans la reconnaissance et le respect de tous les individus, quels que soient leurs choix philosophiques.

Nous vivons dans une société qui, contrairement à ce que disent certains, assure d’abord la liberté de conscience et ne garantit le libre exercice des cultes que parce que cette première liberté permet de ne pas se soumettre à ceux qui voudraient imposer leurs interdits. La République est laïque et la société française se réclame de cette Laïcité.

Les 7, 8 et 9 janvier 2015, ce sont bien ces idéaux qui ont été attaqués.

Le 11 janvier 2015, plus de quatre millions de manifestants ont démontré que la France est plus forte que ces lamentables voyous sous influence. Depuis cette date, par milliers, des citoyens se sont levés pour affirmer leur attachement à ces principes et à leur application.

Depuis, il a fallu faire face à la montée d’un discours anti-Charlie ou dangereusement neutraliste, d’une idéologie différencialiste qui divise à droite mais aussi profondément à gauche.

Le Comité Laïcité République a été créé voilà près de trente ans au moment de l’affaire de Créteil [1], pour alerter, combattre déjà la montée du communautarisme, défendre la laïcité. Parmi ses fondateurs Elisabeth Badinter, Henry Caillavet, Jean-Pierre Changeux, Régis Debray, Alain Finkielkraut, Gisèle Halimi, Catherine Kintzler, Claude Nicolet...

C’est sans doute pourquoi, cet après-midi, on trouvera parmi les intervenants pas moins de deux anciens présidents du jury des Prix de la laïcité [2] que nous remettons chaque année, sans compter Charb [3], qui en fut lui aussi président, huit lauréats de ces prix et trois membres de notre CA…

C’est aussi pourquoi le Comité Laïcité République est très vigilant à propos de ce qui sera fait – ou défait – en matière de laïcité au risque de la paix civile.

C’est enfin pourquoi cette journée a pour titre : « De la mémoire au combat ».

Nous allons aujourd’hui commémorer ces moments terribles qui nous ont rappelé que nous étions un peuple. Pas une juxtaposition d’ethnies, de tribus, de communautés religieuses.

Cette journée porte l’espoir, la certitude du triomphe de la liberté sur la contrainte. Il ne s’agira donc pas de tristesse, mais d’optimisme et même – Charlie oblige – de rire.

Au nom du Printemps républicain, de la Licra et du Comité Laïcité République, je vous dis que rien n’effraie plus les intégristes, les fanatiques et les dictateurs, que le rire, les cheveux au vent et la volonté de vivre libre.

Merci.

Vos applaudissements doivent aller aux victimes de cette barbarie. C’est eux que je vous demande maintenant d’honorer ainsi, en vous levant.

[1Voir Le CLR (note du CLR).

[2Voir Prix de la Laïcité (note du CLR).

[3Voir Charb (1967 - 2015) (note du CLR).



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